Si Emmanuel Macron démissionne, peut-il se présenter une 3e fois lors de la présidentielle de 2027 ? C’est une hypothèse qui a surgi sur les réseaux sociaux, mais qui ne tient pas à l’analyse des règles de la Constitution française.

C’est un drôle de scénario qui a surgi ces dernières heures sur les réseaux sociaux. Emmanuel Macron pourrait-il enjamber les règles de la Constitution pour se présenter une troisième fois de suite à l’élection présidentielle, en 2027 ? Un questionnement qui est apparu peu de temps après la décision du chef de l’État de dissoudre l’Assemblée nationale.

Selon la Constitution, et plus précisément son article 6, il est impossible pour un individu d’effectuer plus de deux mandats consécutifs. Dès lors, Emmanuel Macron, qui a déjà effectué un premier mandat de 2017 à 2022, puis un second à partir de cette date, ne peut normalement pas refaire une campagne pour remporter la présidentielle de 2027.

Une démission du président avant de se représenter en 2027 ?

C’est là que l’hypothèse intervient : si Emmanuel Macron démissionne avant le terme de son second mandat, il pourrait ne pas être considéré comme achevé. C’est donc la question de la validité de ce deuxième mandat qui se pose. Si ce n’est pas le cas, il ne serait donc pas réellement consécutif. Cela laisserait alors le champ libre à Emmanuel Macron en 2027.

constitution
Source : Erasoft24

Cette éventualité, toutefois, ne tient pas la route aux yeux des spécialistes du droit. C’est ce que signalait déjà en 2022 Didier Maus, spécialiste de droit constitutionnel, dans les colonnes d’Émile Magazine. Déjà à l’époque se posait la question d’un stratagème juridique où le chef de l’État quitterait ses fonctions pour se représenter à l’élection suivante.

« L’alinéa 2, qui instaure la limitation à deux mandats, se lit de manière autonome. Le mandat d’un Président de la République inférieur à cinq ans est considéré comme un mandat en tant que tel et entre donc dans la limitation prévue à l’alinéa 2 », analysait Didier Maus. En clair, un mandat reste un mandat, même s’il est écourté.

Cette analyse est partagée par Roseline Letteron, professeure de droit public à Sorbonne Université, et spécialiste des libertés publiques et droits de l’homme. Contactée ce 10 juin par Numerama, elle explique « qu’Emmanuel Macron aura juridiquement fait ses deux mandats et il ne peut pas se présenter en 2027. »

« Emmanuel Macron aura juridiquement fait ses deux mandats »

Roseline Letteron

Ce serait de toute façon un peu trop simple, ajoute-t-elle. « Il serait facile de s’offrir un troisième mandat s’il suffisait de démissionner quelques mois ou semaines avant la fin du mandat présidentiel », relève-t-elle. Or, force est de constater que ce prétendu stratagème n’a jamais été mise en œuvre par aucun président de la Cinquième République.

Attendre cinq ans ou changer la Constitution

La seule démission recensée à ce jour est celle de Charles de Gaulle, en avril 1969, lors de son deuxième mandat. Il avait quitté ses fonctions après une défaite lors d’un référendum portant sur la réforme de Sénat et la régionalisation. L’intérim sera assuré alors par le président du Sénat, Alain Poher, jusqu’à la prochaine présidentielle

Si Emmanuel Macron désire retrouver l’Élysée, il devra attendre cinq ans et, donc, l’élection présidentielle de 2032. Ce troisième mandat, à supposer qu’il l’obtienne par les urnes, ne sera pas alors consécutif puisqu’il y aura eu un renouvellement du pouvoir entre 2027 et 2032. Il pourra aussi en refaire un autre de 2037 à 2042, avant de repasser la main.

Palais de l'Elysée
Le palais de l’Élysée sera nécessairement occupé par quelqu’un d’autre en 2027 (sauf en cas de changement très hypothétique de la Constitution). // Source : Nicolas Nova

Dernière option : changer la Constitution et modifier l’article 6. C’est ici aussi une option improbable. Le processus est rigoureux et requiert un soutien de l’Assemblée nationale et du Sénat, réunis par une procédure exceptionnelle. Outre l’approbation de chaque chambre, il faut que le Congrès valide cette réforme par une majorité des trois cinquièmes.

Il peut également y avoir la voie référendaire, qui permettrait de demander l’avis de la population directement — une loi de révision devra toutefois être préalablement adoptée par le Parlement. Là encore, la majorité des voix est requise. Or, vu l’actuelle dynamique politique autour d’Emmanuel Macron, il faudrait s’attendre plutôt à un rejet massif de cette perspective.

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