Les opposants au Chat Control ont gagné un répit. La présidence belge du Conseil de l’Union européenne a finalement renoncé, le 20 juin 2024, à organiser un vote qui aurait pu faire avancer le chantier d’un règlement visant à établir de nouvelles règles afin de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants.
Chat Control est le surnom donné à une mesure figurant dans le texte, qui a été proposé en 2022 par la Commission européenne. En résumé, il s’agit de rendre obligatoire dans l’Union européenne le scan systématique des liens, des images et plus généralement des contenus envoyés à travers des messageries de discussion.
Cette perspective a déclenché une importante levée de boucliers parmi les défenseurs des libertés publiques, mais aussi chez les organisations dont le cœur de métier est de proposer des outils avec un haut degré de sécurité et de confidentialité. C’est le cas, par exemple, de Proton (webmail), Signal (messagerie) et Mullvad (VPN).
Le dossier du Chat Control arrive dans les mains de la Hongrie
Mais l’abandon du vote le 20 juin ne signe pas l’arrêt de ce texte de lutte contre la pédocriminalité. Le projet va désormais passer entre les mains de la Hongrie, qui va prendre la présidence du Conseil à compter du 1er juillet et pour une durée de six mois. Budapest aura toutefois fort à faire pour que les pays, actuellement divisés, s’entendent.
L’eurodéputé Patrick Breyer, l’une des voix d’opposition les plus fortes au Chat Control, n’a pas caché sa satisfaction. « Un triomphe dans notre lutte pour défendre la confidentialité numérique de la correspondance et le chiffrement sécurisé », a-t-il écrit sur X. Mais si une bataille a été gagnée, la guerre contre le texte va se poursuivre.
L’objet du vote du 20 juin ne visait pas à valider le texte, mais à valider un mandat de négociation avec le Parlement européen sur ce projet — autant dire que le parcours législatif de cette proposition de règlement était loin d’être terminé. En outre, les parlementaires du Vieux Continent semblent plutôt réticents à l’idée d’un Chat Control.
Les prochains six mois risquent d’être particulièrement animés. Il est d’ores et déjà rapporté que la Hongrie, une démocratie illibérale depuis la prise de pouvoir du Premier ministre Viktor Orbán en 2010, entend donner la priorité à ce texte. Mais des pays comme la Pologne, l’Allemagne ou les Pays-Bas, l’Autriche et le Luxembourg restent à convaincre.
Ces États ne sont d’ailleurs pas les seuls à freiner sur le Chat Control. Dès 2022, les instances européennes de la protection de la vie privée s’étaient montrées très critiques. Mais les dernières déclarations d’une officielle de la Commission européenne ne risquent certainement pas de rapprocher les points de vue.
Věra Jourová, la commissaire en charge des valeurs et de la transparence, a déclaré que cette proposition briserait le chiffrement, et que cela était justifié par la nécessité de protéger les enfants. Ce serait, selon Ella Jakubowska, membre de l’ONG EDRI, la première fois que Bruxelles admet officiellement que ce texte affaiblirait le chiffrement.
Comme le pointe Politico, même un consensus entre les Etats membres, qui apparait très incertain à ce stade, ne mettra pas fin aux discussions. Il faut encore s’entendre avec le Parlement et la Commission. Or, les eurodéputés soutiennent une version de la proposition de règlement beaucoup plus favorable à la protection de la vie privée.
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