Mise à jour : le chiffre réel serait plus proche de 25 000 mails…
La mauvaise interprétation des propos volontairement ambigus de la Haute Autorité a traversé l’Atlantique. Ce mercredi, l’excellent TorrentFreak relayait lui aussi de bonne foi que l’Hadopi aurait envoyé 100 000 courriers d’avertissement depuis le mois d’octobre. C’est aussi, comme on peut le vérifier sur Google News, ce que disent en France l’agence Reuters (« Hadopi a envoyé 100 000 avertissements en trois mois »), 01Net (« celle-ci aurait envoyé 100 000 courriels »), Metro (« 100.000 ‘pirates’ avertis »), Le Figaro (« L’Hadopi a mis en garde 100 000 internautes »), Generation NT (« 100 000 e-mails d’avertissement ont été envoyés »), L’Informaticien (« L’Hadopi, qui a mis en garde 100 000 internautes »), Europe 1 (« 100 000 internautes avertis par Hadopi »), Ouest France, L’Expansion, le JDD, Sud Ouest, France 2, etc., etc.
Mais ça n’est pas ce que la présidente de la Commission de protection des droits de l’Hadopi, la rieuse Mme Mireille Imbert-Quaretta, a écrit dans sa tribune signée avec les deux autres membres de la CPD, Jean-Yves Monfort et Jacques Bille.
Il nous faut donc encore la décrypter.
« Pour couper court à des rumeurs fantaisistes, nous pouvons affirmer que depuis la mise en œuvre effective du dispositif, début octobre, nous avons adressé aux fournisseurs d’accès 100 000 demandes d’identification« , écrivent les co-auteurs en milieu de tribune. Ils n’y parlent pas d’envois de mails, mais de demandes d’identifications adressées aux fournisseurs d’accès à Internet par l’Hadopi. La confusion faite par les journalistes est compréhensible, puisqu’outre la subtilité technique, la méprise est induite par le texte de la tribune elle-même. La CPD parle quatre fois d’envois de mails dans les paragraphes précédents avant de parler, comme si c’était la même chose et pour « couper court aux rumeurs », de demandes d’identification. Or ça n’est pas du tout la même chose.
Concrètement, l’Hadopi envoie chaque jour une liste d’adresses IP que les FAI doivent retourner complétée des noms, adresse e-mail et autres informations personnelles concernant les abonnés (à ce sujet, vous pouvez lire la convention négociée avec les FAI, que nous avions révélée). Ca n’est qu’à réception de cette liste complétée que la CPD décide, ou non, d’envoyer des mails aux abonnés identifiés.
Ce qu’elle ne fait pas, tout du moins pour l’instant, de manière automatique et massive. Elle attend de peser la réaction des administrés. Moins ils réagiront, plus les mails seront nombreux (d’où peut-être la volonté de tourner les réactions au ridicule). « Si pour chaque recommandation envoyée, on a une demande, soit d’envoi du contenu des œuvres téléchargées, soit d’observation, cela aura forcément des conséquences sur le volume des recommandations qui suivront« , avait ainsi admis Mme Imbert-Quaretta dans une interview à Legipresse.
On comprend pourquoi cette hésitation. Demander les adresses e-mails est une chose qui n’engage pas la responsabilité de l’Hadopi, et ne porte pas à conséquence, si ce n’est que l’Etat devra dédommager les FAI pour les frais engendrés. L’Hadopi peut donc envoyer 100 000 demandes d’identification sans risque, pour les mettre aussitôt à la poubelle. En revanche, chaque envoi de mail est à sous-peser, car il constitue un acte administratif susceptible de recours. Il fait grief puisque c’est la date d’envoi du mail qui déclenche le compte à rebours pour le constat d’éventuelles récidives, qui donneront lieu à envoi de lettre recommandée. Or si un recours donne lieu à annulation de l’avertissement, notamment par manque de preuve fiable, c’est toute la riposte graduée qui s’effondre. Et l’Hadopi avec.
Le nombre de mails envoyés est selon toute vraisemblance beaucoup, beaucoup plus faible que le nombre des adresses e-mails que l’Hadopi reçoit. Lorsque le chiffre de 100 000 mails fut pour la première évoqué par la Haute Autorité, il y a dix jours, Free s’en était moqué. Il y a une « erreur de décimale, ou alors c’est que les abonnés Free sont plus vertueux qu’ailleurs« , nous avait confié son directeur des affaires juridiques.
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