Pendant les législatives anticipées de 2024, après la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, des créateurs/créatrices de contenu et des journalistes ont massivement investi les réseaux sociaux pour rééquilibrer le rapport à l’information. Un phénomène déterminant dans cet épisode politique.

L’exemplarité peut aussi provenir des réseaux sociaux. Alors que la dissolution de l’Assemblée nationale a pris tout le monde de court, le 9 juin 2024, une mobilisation sans précédent a pris corps pendant la campagne des élections législatives : créateurs et créatrices de contenu ont dédié du temps à des publications pédagogiques, particulièrement soignées, pour participer au principe de front populaire ; de même que des journalistes ont également investi ces moyens de transmission de l’information.

Une bataille pour rééquilibrer l’information

« J’ai réuni un certain nombre d’arguments que je trouve éclairants » : 18 juin 2024, alors que le premier tour des législatives anticipées approche, Manon Bril publie une longue vidéo — de 7 minutes. Cette youtubeuse, spécialisée dans les sujets historiques, prend le temps d’y décrypter comment le Rassemblement national « n’est pas du côté du peuple ». La créatrice déroule fait après fait. Efficace, cette vidéo additionnera finalement plus de 700 000 vues.

« Le RN c’est caca, et surtout un danger pour la biodiversité, les minorités, etc. » : le 12 juin, en s’associant à des scientifiques, la youtubeuse et vulgarisatrice spécialisée en sciences naturelles, Marie Treibert (La boîte à curiosités) mobilise ses réseaux sociaux pour décrypter l’impact du parti d’extrême droite en termes de justice sociale et environnementale. Des faits, des animaux mignons, des traits d’humour, mais aussi de la gravité : la publication est massivement partagée.

« Un gouvernement d’extrême droite, ça ressemble à quoi ? » : la journaliste Salomé Saqué, dans cette publication Instagram, donne plusieurs exemples de gouvernements européens menés par des partis proches du Rassemblement national. Ce n’est pas la seule publication pédagogique livrée par la journaliste, et chacune accumule plusieurs dizaines de milliers de likes.

Source : Capture d'écran (@salomesaque)
Source : Capture d’écran (@salomesaque)

Des militantes et militants, comme Camille Étienne, ont aussi proposé des synthèses informatives régulières — sur les élections vues de l’étranger par exemple –, des vidéos permettant d’aller au-delà de la communication politique du RN, en particulier sur le sujet de l’écologie. D’autres (personnalités, associations…) ont fait de même sur le social, la vie et la santé des femmes, le risque pour les minorités ; en fonction des spécialités de chacun et chacune.

Ce ne sont là que quelques exemples, dans un océan de comptes qui, sur Instagram, qu’ils soient initialement dédiés à la politique ou non, ont proposé des décryptages efficaces, pédagogiques, étayés en quelques cartons ou reels sur Instagram. Ils l’ont fait à l’aide de faits historiques et politiques, de dates, de chiffres, de témoignages et de lectures attentives des programmes des partis en lice. Dans ce cas précis, les réseaux sociaux semblent avoir servi d’amplificateurs à un rééquilibrage de l’information. Le terme n’est pas anodin : l’information — via la valorisation des faits et de la réalité concrète des programmes — a été au centre de cette bataille sur les réseaux sociaux.

Il en va de même pour des informations plus pratico-pratiques, comme celles permettant de réaliser des procurations.

Les candidats problématiques épinglés sur les réseaux sociaux

Autre particularité sur les réseaux sociaux pendant ces législatives : les candidats et candidates épinglées. Sur X (ex-Twitter), le compte L’Extincteur, suivi par plus de 8 000 personnes, épinglait chaque candidat et chaque candidate du Rassemblement nationale dont le parcours, ou les déclarations, étaient racistes, xénophobes, homophobes, complotistes ou climatosceptiques, voire celles et ceux qui avaient perpétré des faits de violence.

Exemple de candidat épinglé pour ses propos. // Source : Capture d'écran L'Extincteur
Exemple de candidat épinglé pour ses propos. // Source : Capture d’écran L’Extincteur

Cette sorte de « tableau des dérives » s’est traduit par de nombreuses vidéos les répertoriant. Sur Instagram, la dessinatrice et autrice Blanche Sabbah dresse ainsi une synthèse de candidats ayant — entre autres (la liste est longue) — eu un chapeau nazi ou ayant tenu une librairie négationniste. Une vidéo vue plus de 150 000 fois.

Médias locaux et indés à la rescousse

Pour épingler les candidats du RN aux comportements répréhensibles, on pouvait aussi compter sur certains médias indépendants. Ils ont, eux aussi, massivement investi les réseaux sociaux — à l’image de Street Press qui, dans un reel aux 15 000 likes, a répertorié les sorties de piste de l’entre-deux-tours. C’est ce qu’a fait aussi Vert, le média d’information sur l’enjeu environnemental, qui a décrypté dans une publication le programme du RN en la matière. Là encore, ce sont des publications très relayées.

À l’issue de l’élection, beaucoup ont par ailleurs félicité les médias locaux, comme France Bleu et France 3 Régions, dans leur participation active au décryptage des profils des candidats de l’extrême droite française — en réalisant notamment des vidéos devenues virales.

Source : Capture d'écran sur X
Source : Capture d’écran sur X

Inverser la tendance

La banalisation de l’extrême droite sur les plateaux de télévision, en particulier, est aujourd’hui un problème largement dénoncé — y compris par la communauté journalistique elle-même. La mobilisation politique de militants et militantes, mais aussi de créateurs et créatrices de contenu, tout comme celle de journalistes, s’est organisée en utilisant les plateformes numériques comme de puissants relais d’informations.

Alors que les réseaux sociaux sont souvent décrits comme des chambres à échos de la désinformation, à la faveur de l’extrême droite, ces législatives anticipées 2024 ont montré une capacité à réinvestir massivement les plateformes numériques pour y favoriser l’information — historique, scientifique, etc. — à très grande échelle.

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