La Commission Européenne a remis le 22 décembre un rapport (.pdf) sur l’application de la directive européenne du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Il laisse jusqu’au 31 mars 2011 aux parties intéressées, et notamment au Parlement Européen, pour y répondre. Léger, avec seulement 10 pages, le rapport est très révélateur des préoccupations de la Commission, et des réponses qu’elle entend apporter pour mieux lutter contre le piratage sur Internet. Des réponses qui ne devraient pas surprendre avoir avoir vu le Commissaire Michel Barnier reprendre à son compte les communications grotesques des lobbys du droit d’auteur.
En effet, si l’organe exécutif européen trouve que « des progrès remarquables ont été accomplis depuis son adoption et sa mise en œuvre dans les États membres« , avec « des normes juridiques européennes de haut niveau pour faire respecter les différents types de droits (de propriété intellectuelle)« , la directive européennee de 2004 pêche par un manque d’ambition sur Internet. « Le volume et la valeur financière des infractions aux droits de propriété intellectuelle sont alarmants. L’une des raisons en est l’augmentation sans précédent des possibilités d’infractions ouvertes par l’internet« , estime la Commission. Elle assure que « cet aspect n’entrait pas en compte lors de l’élaboration de la directive« , qui n’est pourtant pas si vieille.
« D’une part, l’internet a permis aux créateurs, aux inventeurs et à leurs partenaires commerciaux de trouver de nouvelles manières de commercialiser leurs produits. D’autre part, il a également ouvert la voie à de nouvelles formes de violations, dont certaines se sont avérées difficiles à empêcher« , constate le rapport, qui salue l’adoption du rapport Gallo. Il note que « le caractère universel de l’internet permet de commettre aisément toute une série d’infractions aux droits de propriété intellectuelle« , et regrette que « nombre de citoyens respectueux des lois ont massivement enfreint le droit d’auteur et les droits voisins en téléchargeant de manière illégale et en diffusant des contenus protégés par le droit d’auteur« .
La Commission énumère ainsi les pratiques qui selon elles doivent aboutir à « évaluer clairement les limitations du cadre juridique en vigueur », c’est-à-dire à muscler encore davantage l’arsenal répressif :
Des produits portant atteinte à ces droits sont offerts à la vente sur l’internet. Les moteurs de recherche permettent souvent aux fraudeurs d’attirer les internautes pour leur proposer d’acheter ou de télécharger les produits qu’ils offrent de manière illégale. Le partage de fichiers dont le contenu est protégé par des droits d’auteur s’est généralisé, en partie parce que l’offre légale de contenus numériques n’a pas pu se développer au même rythme que la demande (…). De nombreux sites hébergent des œuvres protégées ou facilitent leur diffusion en ligne, sans le consentement des titulaires des droits.
Sans qu’elle le dise clairement, on comprend bien que la Commission souhaiterait mettre fin à ces pratiques, par la voie du filtrage ou par d’autres mesures équivalentes. Dans un paragraphe dédié aux intermédiaires, la Commission indique que « les plates-formes internet telles que les marchés en ligne ou les moteurs de recherche peuvent jouer un rôle essentiel dans la réduction du nombre d’infractions« , et que « les fournisseurs de services internet influencent également de manière fondamentale la manière dont fonctionne l’environnement en ligne« .
Si elle rappelle que la directive sur le commerce électronique leur assure un statut protecteur, qui limite leur responsabilité civile et pénale, la Commission Européenne conclut cependant que « les instruments législatifs et non législatifs actuellement disponibles ne sont pas suffisamment forts pour permettre de lutter de manière efficace contre les atteintes en ligne aux droits de propriété intellectuelle« . Aussi, elle prévient qu’elle « pourrait examiner comment impliquer plus étroitement les intermédiaires, compte tenu de leur position favorable pour contribuer à prévenir les infractions en ligne et à y mettre fin« .
Une prudence qui trahit l’importance des mesures qu’elle pourrait suggérer, et qui pourrait largement remettre en question le statut protecteur des intermédiaires techniques.
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