La France ne voit pas encore en Tinder le médium social que le site de rencontres souhaite devenir. Dans l’hexagone, dès lors que nous évoquons Tinder, c’est bien plus pour parler de la mutation de nos pratiques sexuelles que pour aborder l’influence d’un des réseaux sociaux les plus importants au monde en nombre d’utilisateurs. Paradoxalement, si la France ne voit pas en Tinder un véritable acteur social, les Français eux sont déjà friands des rencontres que l’application permet.
Tinder : réseau social ou appli de rencontres ?
Mais derrière l’application phare, il y a désormais une très sérieuse startup qui compte bien avoir son mot à dire sur de nombreux sujets et qui s’ambitionne comme un média social à part entière. Lorsque la startup se lie avec des marques ou des institutions pour des campagnes numériques, nous sommes bien loin des speed-dating. Tinder veut s’imposer grâce à un mélange des genres encore inconnu, celui du dating et du réseau social. Avec une base d’utilisateurs mondiale et fidèle, la startup de l’amour en swipes possède de solides arguments pour ses ambitions malgré son déficit évident de crédibilité.
En refusant de choisir entre être une application de rencontres et être un réseau social, Tinder ne veut se fermer aucune porte de sortie pour sa propre croissance, quitte à se perdre dans sa propre stratégie. Par exemple, lorsqu’en Australie la startup essayait une fonctionnalité pour que ses utilisateurs puissent se rencontrer à plusieurs , dans les semaines suivantes l’application s’engageait dans la campagne du Brexit au côté de David Cameron.
Autant dire qu’entre les orgies et le très sérieux référendum britannique, il y a un océan. Et pourtant, armé de son swipe qui a clairement bouleversé le concept des rencontres et qui s’est étendu à bien d’autres secteurs, Tinder pourrait bien parvenir à gagner sur tous les terrains, en restant l’application des coups d’un soir et celle que les premiers ministres appellent en cas de référendum.
Tinder, objectif France
Il y a quelques jours, Tinder et Deezer signaient leur premier partenariat. Nous l’évoquions alors car Deezer était la première entreprise française à collaborer avec la startup américaine. Et lorsque nous demandons à Tinder le sens de ce partenariat, les responsables du réseau ne se cachent pas d’avoir de grandes ambitions à la fois marketing mais aussi politiques pour la France. Nous posons par ailleurs la question sans détours à la responsable de la communication de Tinder, alors en déplacement à Paris :
« Numerama : Pourrions-nous voir en France Tinder s’investir sur des sujets
politiques comme aux U.S.A. avec swipe the vote ou au Royaume Uni
avec la campagne sur le Brexit ?
Tinder : Nous aimerions beaucoup nous investir sur des sujets politiques en France. C’est clairement un domaine sur lequel nous travaillons actuellement. »
Encore loin de dévoiler ses plans pour la présidentielle, Tinder use et abuse de la langue de bois pour nous faire comprendre qu’il faut les attendre au tournant, sans pour autant nous en dire plus.
La question qui se pose alors est bien entendu celle de l’interlocuteur qui osera, le premier, utiliser Tinder dans sa campagne. Si les candidats déclarés aux différentes primaires françaises abusent déjà de NationBuilder, des Live Facebook et de Periscope, pourquoi ne contacteraient-ils pas Tinder ? La course est en tout cas ouverte et la startup attend patiemment les candidats. Mais si aux États-Unis et en Angleterre, l’arrivée de la politique sur Tinder a éveillé la curiosité générale, ni Bernie Sanders ni David Cameron ne peuvent vraiment remercier la startup pour son aide. Gageons que ce n’est qu’un concours de circonstances.
Toutefois, au-delà des questions d’images et de crédibilité que soulèvera la participation de Tinder à la vie politique française, il est intéressant de voir comment les démocraties occidentales sont prises dans le piège de l’abstention des jeunes. Car si Tinder se permet d’intervenir et proposer ses services aux politiques, c’est bien parce que face aux millennials, la classe politique occidentale est en train de comprendre sa propre déroute. Nous vivons aujourd’hui dans un monde où Snapchat et Tinder peuvent se prévaloir d’être plus importants pour la jeunesse que les élus américains, anglais et français, qui ne reçoivent plus leurs votes. Déroutant n’est-ce pas ?
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