Perçue comme un adversaire du partage des savoirs sur Internet, l’Hadopi a demandé dans un appel d’offres que sa future plateforme de Labs soit basée sur une solution open-source. Une initiative louable qui pourrait pourtant, théoriquement, lui valoir annulation.

Mise à jour : Président de l’Association de promotion et de défense du logiciel libre (April), Tangui Morlier nous a contacté pour réagir. Il estime qu’il n’est pas illicite de favoriser l’open-source dans un appel d’offres. « Demander du Logiciel Libre, c’est demander la possibilité d’étude, de modification ou de diffusion que ces logiciels offrent. C’est donc une caractéristique technique objective apportant des avantages à l’acheteur public : elle est donc reconnue valable au regard de l’article 6 du Code des marchés publics comme le démontre notamment cette décision du tribunal constitutionnel italien« , écrit-il. « Ce qu’interdit le code des marchés publics est de citer des marques. demander du logiciel libre ne restreint pas le marché aux seuls éditeurs de la solution libre. Toutes les entreprises ayant accès à toutes les solutions libres existantes, des entreprises même spécialisées dans du logiciel propriétaire peuvent répondre à l’appel d’offre« .

C’est inattendu, heureusement très improbable, mais suffisamment amusant pour en relever l’ironie. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) pourrait voir l’un de ses marchés publics annulé pour avoir privilégié le logiciel libre, si jamais une procédure était engagée par un éditeur de logiciels propriétaires. Le cahier des charges (.pdf) rédigé par l’autorité administrative pour sa future plateforme des Labs de l’Hadopi dit en effet que la plateforme « privilégiera les solutions open sources aux logiciels propriétaires« , sans expliquer son choix.

Or comme le rappelle cette décision de justice obtenue par un éditeur de logiciel libre contre un appel d’offre qui exigeait une solution propriétaire, le code des marchés public est strict en matière de directives technologiques, qui doivent par principe être évitées. En l’espèce, l’éditeur Nexedi a obtenu fin décembre l’annulation d’un marché d’acquisition d’un logiciel de gestion, qui imposait notamment « la fourniture d’un Univers Business Objects », et « une base de données relationnelles Oracle ». Aucune porte n’était ouverte aux alternatives. L’annulation était donc inévitable, et a été ordonnée.

Mais le code des marchés publics n’interdit pas uniquement les impératifs. Il demande aussi de ne pas énoncer de préférences. L’article 6 dispose en effet que « les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits« . Le fait de privilégier l’open-source a pour effet de favoriser les éditeurs de solutions open-source au détriment des logiciels propriétaires, sans que ça soit justifié pour le projet qui pourrait parfaitement fonctionner sur une solution propriétaire. Est-ce cependant condamnable au titre de l’article 6 ?

En réponse à un candidat qui s’amusait (naïvement et avec provocation) de voir l’Hadopi soutenir l’open-source, alors qu’elle est viscéralement attachée à la propriété intellectuelle, l’administration avait expliqué dans un mail dont Numerama a eu connaissance qu’il n’y avait aucune contradiction.

« Nous vous rappelons que la désignation « Open source » s’applique aux logiciels dont la licence respecte des critères précisément établis par l’Open Source Initiative, à savoir la possibilité de libre redistribution, d’accès au code source et de travaux dérivés. Cette licence ne s’oppose en rien à la propriété intellectuelle, il est aujourd’hui communément admis que l’efficience juridique des licences open source repose en amont sur la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle« , avait écrit la Haute Autorité.

Qui pour une fois, donne le bon exemple. Quitte à se mettre hors la loi, ce dont elle est davantage coutumière.

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