La nouvelle s’est répandue mardi soir sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre. Elle fait aujourd’hui les gros titres de tous les journaux du monde : un attentat a frappé l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Des kamikazes, liés à l’État islamique selon toute vraisemblance, se sont fait exploser dans le hall des vols internationaux. Encore provisoire, le bilan des victimes s’élève déjà à plus de trente morts.
Alors que les services de secours s’activent encore aujourd’hui pour tenter de sauver les blessés pris dans les explosions, les autorités se pressent pour faire du damage control médiatique. Comme à chaque fois qu’il y a un attentat dans le pays, Ankara a décidé de bloquer provisoirement certains réseaux sociaux, tout particulièrement Facebook et Twitter, deux des sites les plus populaires dans le pays.
Le site Vocativ explique que c’est le bureau du premier ministre qui a pris l’ordre de censurer temporairement certains médias sociaux au nom de la « sécurité nationale et de l’ordre public ». Sont visés spécifiquement les visuels montrant l’explosion, les dégâts provoqués, le travail des secours, les blessés, les morts et tout ce qui peut être considéré comme une explication excessive de l’évènement.
Les informations sur les suspects sont aussi concernées. La Turquie n’étant pas en mesure de filtrer au cas par cas les publications qui ne lui conviennent pas, le blocage nuit de fait à tous les internautes turcs, qui éprouvent les plus grandes difficultés à se renseigner sur les réseaux sociaux. Du côté des médias traditionnels, la situation n’est pas plus fameuse avec la censure de la télévision et des autres canaux d’information.
En 2015, Ankara avait ordonné le blocage temporaire de Twitter deux jours après l’attentat-suicide qui avait eu lieu près de la frontière avec la Syrie et qui avait fauché une trentaine de civils. Ce printemps, la connexion aux principaux réseaux sociaux avait été perturbée de la même façon, quelques heures après un attentat ayant frappé la capitale turque. Ce n’est que plus tard que les accès avaient été rétablis.
La CEDH a condamné la censure turque
La propension de la Turquie à entraver immédiatement l’accès à certains sites web dès lors qu’un évènement lui déplaît fait l’objet de critiques régulières, notamment en Europe et aux États-Unis. Mais la charge la plus sévère est celle venue de la cour européenne des droits de l’Homme, qui a condamné fin 2015 le pays pour l’étendue de la censure lorsqu’il s’agit d’empêcher la diffusion d’un contenu spécifique.
« Les restrictions licites devraient d’une manière générale viser un contenu spécifique ; les interdictions générales de fonctionnement frappant certains sites et systèmes ne sont pas compatibles » avec le cadre européen, lit-on dans l’arrêt, qui ajoute que « les informations politiques ignorées par les médias traditionnels ont souvent été divulguées par le biais de YouTube, ce qui a permis l’émergence d’un journalisme citoyen ».
Dans cette affaire, la cour européenne des droits de l’Homme avait eu à se prononcer sur le blocage de YouTube pendant une période de temps relativement longue, de 2008 à 2012, alors que le pays ne contestait la légalité que d’une dizaine de vidéos jugées illicites au regard du droit turc. Pour les magistrats, les moyens mis en œuvre au regard des buts poursuivis ont constitué une violation de l’article 10 de la convention européenne, qui garantit le droit à la liberté d’expression et à la liberté de recevoir des informations.
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