Lors des ultimes négociations sur son contenu, le projet de loi pour une République numérique a finalement été nettoyé de la disposition voulue par le Sénat qui aurait obligé toutes les plateformes Web à notifier aux services de Bercy les revenus bruts obtenus par chacun des utilisateurs présumés imposables.

Mercredi, les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire se sont mis d’accord sur une version finale du projet de loi pour une République numérique, qui devra désormais passer par la formalité du vote en séance plénière avant d’être définitivement adoptée et promulguée. Si le texte n’est pas encore connu dans tous ses détails, la secrétaire d’État au numérique Axelle Lemaire organisait ce jeudi matin une conférence de presse à l’Assemblée nationale, pour en livrer les grandes lignes.

Il en ressort notamment que l’une des dispositions imposées par le Sénat, qui avait fait le plus de bruit, a finalement disparu. Il ne sera finalement pas demandé aux plateformes de communiquer au fisc les revenus obtenus via leurs services par leurs utilisateurs, le texte ayant été repoussé à la demande des députés.

Pour mémoire, le Sénat avait adopté une disposition qui demandait à « opérateur de plateforme en ligne », qu’il serve ou non d’intermédiaire pour le paiement des prestations, à transmettre chaque année à l’administration fiscale une série d’informations sur les activités des utilisateurs « présumés redevables de l’impôt en France », dont le « montant total des revenus bruts perçus au titre de ses activités sur la plateforme en ligne ».

Le projet de loi numérique définit les plateformes comme « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :  1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;  2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».

Un texte jugé inapplicable et dangereux

Pris littéralement, le texte aurait imposé à un site comme Le Bon Coin de fournir les informations au fisc, même s’il ne les possède pas. Il créait donc le risque d’une obligation implicite de collecte des informations. De façon plus certaine encore, il obligeait AirBnb, Uber ou EBay à communiquer au fisc l’ensemble des revenus obtenus en France via leurs services, pour faciliter les contrôles fiscaux et l’application de l’imposition due au delà d’un certain seuil de revenus.

Le bon sens l’a finalement emporté, et ce sera toujours aux utilisateurs de déclarer eux-mêmes les revenus qu’ils gagnent à travers les différentes plateformes, comme l’avait souhaité le gouvernement. « C’est irréaliste et dangereux », avait protesté Axelle Lemaire devant les sénateurs.

« Ce que vous proposez est trop complexe, ça ne pourra pas être mis en œuvre. À l’heure actuelle, il n’y a que deux catégories d’organisations ou d’entités qui ont une obligation de transmission à l’administration : les banques, et les employeurs. Étendre une telle obligation à des plateformes pour tous les secteurs, dans tous les cas de figure, risque de mettre un véritable coup de frein à l’économie collaborative ».

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