Le Conseil d’Etat doit examiner prochainement un décret étudié le mois dernier par la CNIL, qui encadre la transmission des dossiers de l’Hadopi vers les tribunaux, de manière totalement informatisée. Voire automatisée ?

Lors de sa séance plénière du 20 janvier 2011, comme l’indique son ordre du jour, la CNIL a examiné un « projet de décret modifiant le décret n°2010-236 du 5 mars 2010 relatif au « Système de gestion des mesures pour la protection des œuvres sur internet », (volet pénal du dispositif HADOPI)« . C’est ce décret, déjà modifié une première fois au mois d’octobre, qui prévoit les modalités d’interconnexion des fichiers d’abonnés des FAI et des relevés d’infraction reçus par l’Hadopi.

Contactée, la Haute Autorité nous assure que le périmètre du décret du 5 mars 2010, qui visait exclusivement le P2P, ne sera pas révisé par cette modification. Il n’est donc pas question de l’étendre au streaming, comme avait semblé le souhaiter l’ancien ministre de la Culture Jacques Toubon.

En réalité, le décret devrait être étendu pour définir les modalités de transmission des dossiers au parquet, et les retours du parquet vers l’Hadopi. C’est la traduction juridique du souhait émis par l’Hadopi au mois de novembre, lorsqu’elle avait dit vouloir « gérer informatiquement tout le processus de la riposte graduée« , jusqu’aux tribunaux.

« Actuellement, le système informatique gère les premières phases pédagogiques de la procédure de réponse graduée (…) Il doit être complété pour gérer la phase suivante d’échange avec les parquets et avec les juridictions, pour laquelle un décret du ministère de la culture doit être publié prochainement« , avait à l’époque expliqué la Haute Autorité.

La transmission au parquet est déjà prévu par le décret sur la procédure du 26 juillet 2010, qui dispose que les dossiers sont transmis au « procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent« . La modification du décret du 5 mars 2010 doit permettre d’informatiser cette transmission, et de donner aux tribunaux la possibilité de transmettre par voie électronique ses décisions. Lorsqu’un abonné voit son accès à Internet suspendu, c’est à l’Hadopi de s’assurer de la mise en œuvre de la décision, et de faire qu’il ne puisse pas s’abonner chez un autre opérateur pendant sa période de déconnexion.

Rappelons au sujet des tribunaux qu’une circulaire publiée par la Chancellerie au mois de septembre demande aux procureurs de ne pas enquêter sur les faits dénoncés par l’Hadopi, « dans le double objectif d’assurer la rapidité de la réponse pénale et de veiller à ce que le nouveau dispositif ne conduise à un engorgement des services de police et de gendarmerie« . L’objectif auquel participe l’informatisation des transmissions semble donc bien de condamner un grand nombre d’abonnés.

La question reste celle de l’automatisation de la transmission aux parquets. En théorie, la Commission de protection des droits (CPD) vérifie chaque dossier avant de décider de les transmettre. En pratique, ce pourrait être très différent. Dans une interview publiée en fin d’année dernière, la présidente de la CPD avait défendu l’idée que l’infraction de négligence caractérisée transmise aux parquets se vérifie par la simple récidive, sans qu’il soit besoin de la prouver. « Si l’abonné n’a pas changé de comportement au bout de trois fois, il n’a donc pas mis en œuvre de moyen de sécurisation (…) ce sont les conséquences de vos actes qui prouvent l’infraction« , avait-elle expliqué.

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