Les fournisseurs d’accès à Internet reçoivent davantage de signalements de contenus dénoncés comme illicites, mais il s’agit de plus en plus de signalements erronés. En réalité, la part des contenus potentiellement illicites diminue. « Les internautes ont cru déceler plus de contenus illégaux qu’ils n’en ont rencontrés en réalité », constate l’association des FAI. De quoi éclairer sur les conséquences néfastes d’une loi Loppsi qui ne prévoit pas de contrôle du juge lors de la qualification juridique des contenus.

L’Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet (AFA) nous a transmis le bilan 2010 de sa plateforme Point de Contact, qui permet aux internautes de signaler les contenus illicites les plus graves qu’ils rencontrent sur Internet. Il ne s’agit pas d’y dénoncer les infractions au droit d’auteur, mais les images à caractère pédopornographiques, les incitations à la haine raciale ou les contenus de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine.

Sur toute l’année 2010, Point de Contact a ainsi reçu 8196 signalements. C’est une augmentation de 7,5 % par rapport à l’année précédente. Mais « par rapport à 2009 une diminution de 12% des contenus qualifiés de potentiellement illicites par le Point de Contact sur le nombre total de signalements reçus: les internautes ont cru déceler plus de contenus illégaux qu’ils n’en n’ont rencontrés en réalité lors de leur navigation en 2010« , écrit l’AFA.

Par ailleurs, alors que le gouvernement prétend vouloir protéger les internautes contre eux-mêmes en bloquant l’accès à des sites à caractère pédopornographiques dont la liste sera établie par l’administration, l’AFA note que « les signalements de contenus pédopornographiques ont baissé de 25%, ainsi que leur proportion après qualification juridique« . Sur l’ensemble des 3428 contenus signalés comme relevant d’images à caractère sexuel mettant en scène des mineurs, seuls 16 % ont été effectivement qualifiés de « potentiellement illicites » par les analystes de la plateforme, contre 21,6 % en 2009.

Lorsqu’elle confirme qu’un contenu peut être illicite, l’AFA transmet les signalements à l’OCLCTIC, l’office de la police judiciaire qui aura en charge avec loi Loppsi d’établir la liste des sites à bloquer sans contrôle judiciaire. En 2010, 832 signalements lui ont été adressés par l’AFA, pour 782 contenus distincts. Mais sur ces contenus « potentiellement illicites » retenus par Point de Contact, on ne sait pas quelle est la proportion de ceux qui seraient effectivement jugés pédopornographiques par un tribunal. La question est parfois très délicate, notamment au sujet des lolicons. En revanche, « seuls 6 signalements ont dû être requalifiés en l’absence d’infraction, soit 0,7 % du total« , se félicite Valérie Maldonado, chef de l’OCLCTIC. « L’expertise du Point de Contact est un gage de qualité de ses signalements« , estime-t-elle.

Ainsi, soit les analystes de la plateforme Point de Contact sont effectivement très bons juges de la nature illicite d’un contenu, et sont en harmonie avec la police judiciaire. Soit leurs doutes bénéficient au contenu accusé, avec des signalements remontés à l’OCLCTIC qui sont moins nombreux qu’ils pourraient être, mais plus sûrs. Soit au contraire les doutes de l’OCLCTIC profitent le plus souvent à l’accusation, car lorsque l’on traite notamment de pédopornographie mieux vaut être trop dur que trop laxiste. Où que se situe le curseur, il est extrêmement dérangeant que la qualification juridique soit ainsi confiée, en amont à un groupement privé, et en aval aux autorités de police. Qu’ils servent de filtres est une chose, qu’ils se substituent entièrement au travail d’un juge en est une autre.

Les contenus signalés et la part des contenus remontés à la police :

  • Pédopornographie : 3428 contenus signalés (-25 %), 550 retenus comme potentiellement illégaux par les analystes de contenus (- 5,6 %) ;
  • Pornographie accessible aux mineurs : 1586 contenus signalés, 1303 retenus (- 93%) ;
  • Racisme et xénophobie : 2309 contenus signalés (+85 %), 352 retenus (- 4%) ;
  • Promotion de la violence : 803 contenus signalés (+173 %), 67 retenus (- 2%) ;
  • Terrorisme : 70 contenus signalés, 5 retenus (- 17%).
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