Le Conseil National du Numérique (CNN) n’a même pas encore vu le jour que déjà la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) sait quelle orientation il doit prendre : le financement, par les opérateurs de télécommunications et les services, des industries culturelles, en appelant « à une remise à plat du partage de la valeur sur les réseaux des industries de contenus« .
Dans son communiqué, publié ce jeudi, la Sacem affirme que « depuis plus de dix ans, les revenus des créateurs et des industries culturelles sont sacrifiés à la course au développement des infrastructures, qui ont fondé leur croissance exponentielle sur la circulation majoritairement illicite des œuvres protégées et les ont utilisées comme produit d’appel« .
Partant de ce constant, la société de gestion des droits d’auteur assure que « si Internet se résumait à l’envoi de courriels et à la consultation de sites administratifs ou d’informations en ligne, parions que la France ne compterait pas 20 millions d’abonnés au haut-débit. Sans la musique, sans la création, les tuyaux seraient bien vides« . Des propos qui peuvent aussi se lire à l’envers. Sans les réseaux, nombre de contenus seraient tout simplement inaccessibles !
À l’aune des récents troubles qui ont secoué l’Égypte et la Tunisie, les propos de la Sacem sont réducteurs. Il est sûr que les créateurs de contenus de ces pays ont été très incommodés d’avoir vu Internet coupé pendant plusieurs jours. C’est pourtant oublier que dans ces deux évènements, le réseau n’a pas été utilisé comme un divertissement mais a été un formidable vecteur pour protester contre le pouvoir en place.
Ce discours n’est de toute façon pas nouveau. Il y a deux ans, le directeur de l’APRA (Australasian Performing Right Association) avait tenu des propos identiques. Il était convaincu que sans les contenus déversés par les industries culturelles, Internet serait bien vide. Mais c’est oublier qu’Internet a été créé à l’origine comme un moyen de communication, et non pas un moyen de divertissement. La vigueur des réseaux sociaux en est une démonstration.
Depuis l’émergence du web, la situation a certes changé. Impossible de nier que les contenus sur le web ont une part beaucoup plus importante. Mais il serait inexact de laisser penser que la consommation de biens culturels est la seule utilisation possible du net. Sinon, comment MySpace, Friendster, Facebook ou Twitter auraient pu réunir des millions d’utilisateurs ?
Saluant « les engagements positifs du gouvernement en faveur de la création dans le secteur numérique« , la Sacem « soutient pour sa part la mise en œuvre rapide d’une solution de contribution compensatoire prélevée sur les FAI. » Et d’ajouter que « toute solution amenant services et opérateurs à participer enfin au financement de la création doit être engagée de bonne foi […] dans la réflexion collective menée par le futur CNN« .
Formulé ainsi, cela laisse à penser que les opérateurs ne financent en aucune façon la création. Or, les fournisseurs d’accès à Internet versent déjà une contribution au fonds de soutien à la création audiovisuel (COSIP). Le montant versé est proportionné à la part des services audiovisuels dans l’abonnement Internet haut-débit.
Tout le problème étant qu’avec la réforme de la TVA, les FAI n’ont plus aucun intérêt à muscler artificiellement la part audiovisuelle qui était autrefois taxée à 5,5 %, et qui servait d’assiette à la taxe COSIP. D’où le fait que Free ne facture plus la TV que 2 euros, alors qu’elle représentait autrefois environ la moitié de la facture triple-play.
Sans parler des principaux services en ligne. Dans le cas de la musique en ligne, la Sacem a signé des accords avec la plate-forme de musique Deezer, avec la boutique en ligne iTunes et même le convalescent Jiwa. Du côté de la vidéo, des accords similaires ont été signés, que ce soit avec le site de vidéos YouTube ou l’équivalent français Dailymotion.
Malgré ces quelques « oublis », la Sacem souhaite faire du Conseil National du Numérique « un outil efficace et utile« . Pour cela, le CNN devrait être « indépendant et ne servir aucun intérêt sectoriel« , « ne pas se substituer au Parlement ni à l’Arcep dans leurs rôles législatif et de régulation » et être financé « sur des fonds publics afin d’éviter toute collusion et conflits d’intérêts« .
La création du Conseil National du Numérique doit survenir dans les prochains jours. En décembre, Eric Besson avait indiqué que ce nouvel organe allait voir le jour début 2011. Le principe du Conseil National du Numérique avait été ravivée par Nicolas Sarkozy lui-même, lors d’une rencontre avec plusieurs personnalités du web francophone.
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