Continuons et terminons par ce troisième article notre analyse du rapport sur la lutte contre la contrefaçon remis par les sénateurs Laurent Béteille (UMP) et Richard Yung (PS) à la Commission des lois. Dans notre premier article, nous nous sommes intéressés au renforcement des sanctions proposé notamment via la spécialisation des magistrats qui ont « tendance à relativiser l’importance d’une contrefaçon au regard d’autres délits dont ils ont à connaître tels que les agressions sexuelles, les homicides involontaires, les coups et blessures« . Le second article portait plus spécifiquement sur la fragilisation du statut protecteur des hébergeurs, à travers l’obligation de surveillance et de filtrage que les sénateurs souhaitent imposer aux éditeurs qui mettent eux-mêmes en ligne les contenus hébergés.
Nous terminons en allant encore plus dans le détail, avec une proposition formulée page 38. Les sénateurs proposent en effet d’étendre la faculté qu’ont les tribunaux de se faire communiquer « tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui (…) fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon« .
Actuellement, ce « droit à l’information » est souvent interprété de façon restrictive, pour n’être appliqué que lorsque la contrefaçon a été démontrée et vérifiée par le tribunal. Or les sénateurs proposent de « clarifier le fait que le droit à l’information peut être mis en œuvre pour des produits prétendus contrefaisants, c’est-à-dire pour des produits qui n’ont pas été reconnus par la justice comme des contrefaçons« . En effet, selon leur interprétation, « le droit à l’information vise à déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon, et non à contribuer à la preuve de la contrefaçon« .
Ils proposent aussi de ne plus limiter la liste des renseignements qui peuvent être demandés dans ce cadre.
Or si la mesure est appliquée telle que proposée, et bien qu’elle ne semble pas du tout imaginée dans ce cadre, nul doute que les ayants droit sauront s’engouffrer dans la brèche. Elle pourrait en effet permettre de demander aux FAI l’identification de tout abonné utilisant, par exemple, des sites de streaming ou de téléchargement direct , sans avoir à vérifier au préalable s’ils ont bien commis une infraction au droit d’auteur. Il serait aussi possible de demander directement aux hébergeurs ou éditeurs de services la liste des utilisateurs qui accèdent à un contenu, ou qui l’ont mis à disposition.
Ce serait là le moyen pour les ayants droit de contourner les limites de l’Hadopi, qui ne peut s’intéresser qu’au P2P.
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