En confortant le statut d’hébergeur de Dailymotion, la cour de cassation a aussi rappelé que les ayants droit devaient obligatoirement se prêter à un formalisme exigeant avant toute demande de retrait de contenus. Ce qui signe, au moins en théorie, la fin des retraits automatiques et massifs de contenus à la demande des ayants droit.

C’est la conséquence la plus rude de l’arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2011, qui conforte le statut d’hébergeur de Dailymotion. Dans leur décision, les magistrats rappellent les termes de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), et en particulier le formalisme auquel doivent se plier les ayants droit pour faire retirer un contenu hébergé illégalement.

« La notification délivrée au visa de la loi du 21 juin 2004 doit comporter l’ensemble des mentions prescrites par ce texte« , écrit la Cour de cassation, en constatant que « les informations énoncées à la mise en demeure étaient insuffisantes au sens de l’article 6-I-5 de cette loi« . Les ayants droit du film Joyeux Noël, qui avaient poursuivi Dailymotion, auraient dû communiquer au site de partage de vidéos tous les éléments par la LCEN pour permettre d’identifier le contenu litigieux et de vérifier le bienfondé de la demande de retrait. En l’absence de tous ces éléments, « aucun manquement à l’obligation de promptitude à retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ne pouvait être reproché à la société Dailymotion qui n’avait eu connaissance effective du contenu litigieux« , tranche la Cour.

Aux termes de l’article 6-1-5 de la LCEN, tous ces éléments doivent être adressés par les ayants droit pour demander le retrait des contenus. Le dernier est particulièrement crucial :

  • la date de la notification ;
  • si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
  • les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
  • les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
  • la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

En exigeant que toutes ces pièces soient communiquées avant le retrait du contenu, la cour de cassation fait respecter le principe de subsidiarité. Il est impossible d’exiger d’un hébergeur qu’il retire un contenu sans avoir démontré au préalable que la personne qui a envoyé le contenu a d’abord été sollicitée pour le retirer d’elle-même. C’est donc la fin des retraits massifs de fichiers exigés par les ayants droit sans aucune autre forme de précautions. Que ce soit sur les sites de téléchargement direct, ou sur les sites de streaming.

« Cela fait deux ans que nous agissons quotidiennement auprès de ces sites pour supprimer les liens donnant accès à des contenus illicites« , avait confié le mois dernier Marc Guez, le secrétaire général de la SCPP, à 01Net. « Nous avons intensifié nos efforts en 2010 et cela va continuer cette année« . Ou pas.

Leur prestataire, la société LeakID, demandait automatiquement le retrait des contenus dès leur apparition sur les sites comme RapidShare ou MegaUpload. « 300 000 liens ont été éliminés, en l’espace de neuf mois« , se félicitait M. Guez. Mais s’ils décident de s’abriter derrière la décision de la cour de cassation (comme sait si bien le faire l’Hadopi), il faudra revoir très largement à la baisse les prétentions…

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