Âgée de 35 ans, Clara Chappaz est le nouveau visage de la politique du numérique en France. Elle prend possession du secrétariat d’État en charge du numérique, au sein du gouvernement de Michel Barnier. L’intelligence artificielle (IA) est particulièrement mise à l’honneur. Mais ce n’est pas la seule chose à noter.

La politique gouvernementale pour le numérique est désormais incarnée par un nouveau visage. Dorénavant, c’est Clara Chappaz qui tiendra les rênes du secrétariat d’État en charge du numérique, en remplacement de Marina Ferrari. Cette dernière a été réaffectée à l’économie du tourisme, gagnant au passage un nouveau statut : celui de ministre déléguée.

La prise de fonction de Clara Chappaz a été officialisée le 21 septembre 2024, au moment de l’annonce de la composition du gouvernement de Michel Barnier. Elle rejoint donc une équipe composée de 39 personnes (19 ministres, 15 ministres délégués, 5 secrétaires d’État), plus le Premier ministre, nommé par Emmanuel Macron après les élections législatives.

Clara Chappaz.
Clara Chappaz. // Source : Piaras Ó Mídheach/Web Summit

Le jour même de sa désignation, Clara Chappaz a effectué sa première intervention publique comme secrétaire d’État sur X (ex-Twitter). « Très honorée d’être nommée secrétaire d’État chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique auprès du Ministre Patrick Hetzel. Merci au président de la République Emmanuel Macron et au Premier ministre Michel Barnier pour leur confiance. »

Un intitulé qui donne la priorité à l’IA

C’est ici le premier enseignement de cette nomination : l’ancien intitulé du poste occupé par Marina Ferrari pendant un peu plus de sept mois n’a pas été retenu. Durant son court passage à ce poste, elle était secrétaire d’État en charge du numérique. Clara Chappaz, elle, est désormais en charge à la fois du numérique et de l’intelligence artificielle.

C’est même l’inverse : le titre exact de la fonction donne la priorité à l’IA, devant le numérique. C’est la première fois que la notion « d’intelligence artificielle » apparait dans un intitulé gouvernemental, ce qui constitue un signal politique. Cela renseigne sur l’importance que l’Élysée et Matignon accordent à ce domaine.

LLaMA, le modèle de langage de Meta // Source : Canva
Je génère, donc je suis ? // Source : Canva

Cette approche n’est pas rare. On se souvient que Cédric O avait aussi vu le périmètre de ses prérogatives évoluer. Lui qui était d’abord secrétaire d’État chargé du Numérique de 2019 à 2020 a fini par devenir un an plus tard secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, jusqu’en 2022.

Précédemment, d’autres ministères ont ainsi été ponctuellement renommés pour refléter une orientation politique. On peut citer Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, Amélie Oudéa-Castéra, ministre des JO et des paralympiques, ou encore Bruno Le Maire, qui a été ministre de la souveraineté numérique.

Deux autres exemples, pris dans le gouvernement actuel : Alexandre Portier a en charge la réussite scolaire, et Guillaume Kasbarian s’occupe de la simplification et de la transformation de l’action publique.

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Un poste rattaché à la recherche et à la science

Deuxième enseignement de cette nomination : l’intéressée ne rendra pas des comptes à Bercy, qui pendant sept ans était occupé par Bruno le Maire, mais à un autre supérieur direct : Patrick Hetzel, qui vient de prendre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. C’est une petite révolution pour le numérique

Jusqu’à présent, les secrétaires d’État étaient rattachés à l’économie et aux finances — ponctuellement, ils ont été aussi liés à l’industrie, à la cohésion des territoires et au Premier ministre. Il y a eu une fois, début 2000, un rattachement à l’enseignement supérieur, dans un ministère qui regroupait la jeunesse et l’éducation nationale.

Depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron, le numérique était de fait perçu comme un domaine lié au business. Ainsi, il a été systématiquement dépendant de Bercy — même si, avec l’évolution de l’intitulé pour inclure la transition numérique, il a aussi été perçu comme un moyen de réduire la fracture entre les agglomérations et les zones rurales.

Patrick Hetzel
Patrick Hetzel, en 2013. // Source : UMP

Le passage au ministère de l’Enseignement et de la recherche suggère que le numérique et l’IA sont davantage considérés comme des secteurs de pointe. Ce n’est pas sans raison : le calcul haute performance, le quantique, la 5G, la 6G, le big data, l’IA… autant de secteurs qui ont certes des enjeux et des économiques, mais dont la recherche est au centre.

Reste quand même une question ouverte : compte tenu de la place occupée par le numérique dans la société aujourd’hui, ce domaine peut-il encore se contenter simplement d’un « simple » secrétariat d’État ? L’interrogation n’est pas nouvelle. Depuis des années, des voix suggèrent de donner au numérique un ministère de plein exercice.

C’est la seule « prise » de la société civile

19 ministres, 15 ministres délégués et 5 secrétaires d’État. Il y a beaucoup de monde dans le gouvernement de Michel Barnier. Il y a aussi un autre constat : les hommes et les femmes retenus sont presque que des professionnels de la politique. Tous ont occupé des mandats locaux ou nationaux, avec parfois un passage dans un gouvernement.

Clara Chappaz fait figure d’exception : c’est la seule personne sans fonction politique. Cela tranche avec le tout premier gouvernement de Macron, qui avait largement puisé dans la société civile : Nicolas Hulot, Laura Flessel, Agnès Buzyn, Muriel Pénicaud, Frédérique Vidal, Laura Flessel, Marlène Schiappa, Sophie Cluzel et Mounir Mahjoubi.

Ex-French Tech

Si Clara Chappaz récupère un secrétariat d’État rattaché au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, traduisant un rééquilibrage entre business et science, son profil personnel a une teinte économique nette. Elle a été formée l’ESSEC Business School puis à la Harvard Business School, ce qui lui a octroyé un MBA.

Dans le portrait fait par Les Échos, Clara Chappaz, âgée de 35 ans, est présentée comme une bonne connaisseuse de l’écosystème des startups françaises. Elle a travaillé chez Vestiaire Collective, société spécialisée dans l’habillement, de 2019 à 2021. Elle a occupé des postes comme « chief growth officer » puis « chief business officer ».

Ce vocabulaire, ambiance startup nation, indique qu’elle a été d’abord en charge de la croissance de son entreprise, responsable de la stratégie opérationnelle. Elle a été aussi, précisent nos confrères, à la tête d’une task force women empowerment. Comprendre : un groupe d’action pour favoriser l’émancipation des femmes.

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Le logo de la French Tech.

Depuis fin 2021, Clara Chappaz avait toutefois entrouvert la porte de la politique, en raison de son poste — directrice — à la mission French Tech, qui est « chargée de soutenir la structuration et la croissance de l’écosystème des start-up françaises, en France et à l’international ». Elle y est restée un peu plus de deux ans et demi, jusqu’à juillet 2024.

La French Tech dépend de la direction générale des entreprises, une structure liée au ministère de l’Économie et des finances. De fait, cela a donné à Clara Chappaz de la visibilité. Cela tombe « bien » : l’ambiance n’est pas bonne chez les startups : les faillites ont explosé depuis un an et demi. Raison de plus de se pencher sur le sujet

La fille de Pierre Chappaz

C’est aussi à noter : le nom de Clara Chappaz renvoie aussi à celui de son père, Pierre Chappaz. Ce n’est pas inconnu dans l’écosystème du web en France. Cet entrepreneur a fondé les entreprises Kelkoo (comparateur de prix), Wikio (moteur de recherche) et Teads (publicité vidéo). Il a contribué aux débuts de Netvibes (portail web).

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