Le choix d’une extension de nom de domaine n’est pas seulement esthétique ou technique. C’est aussi parfois un risque politique, comme le montre l’extension .ly qui appartient à la Libye, et qui est utilisé par de nombreux services en ligne à travers le monde, parmi les plus populaires.

C’est un problème évidemment futile en comparaison des centaines (voire milliers) de morts qui trempent les mains du Colonel Kadhafi dans le sang depuis le début des rebellions en Libye. Mais il montre que le choix d’une extension de nom de domaine ne doit pas se faire à la légère, comme nous avions déjà eu l’occasion de le dire notamment à propos de WAT.tv, dont le nom de domaine dépend d’une île en voie de submersion.

Certains utilisateurs de sites internet qui ont fait le choix d’utiliser l’extension libyienne .ly s’inquiètent aujourd’hui de l’avenir des sites en question. Parmi les plus importants figurent le raccourcisseur d’URL américai Bit.ly, et le français Dailymotion qui utilise Dai.ly pour diffuser ses propres URL raccourcies.

L’inquiétude, bizarrement, est née du risque que le régime de Kadhafi décide d’imiter l’Egypte et de couper totalement l’accès à Internet dans le pays, ce qu’ils n’ont fait jusqu’à présent que par intermittence. Sur Quora, le directeur de Bit.ly John Borthwick se veut rassurant. « Pour que les domaines en .ly ne puissent plus être résolus, les cinq serveurs racines du .ly qui font autorité doivent *tous* être hors ligne, ou répondre avec des réponses vides. Sur les cinq serveurs de noms pour le TLD .ly, deux sont basés dans l’Oregon, un aux Pays-Bas et deux sont en Libye« , explique Borthwick. Ca n’est pas totalement vrai, puisque les cinq serveurs en question, qui ne sont pas des serveurs root, dépendent des enregistrements du .ly gérés en Libye. Or en l’absence de mise à jour, les serveurs relai devront considérer d’ici maximum 28 jours que le registre est vide.

Mais peu importe les problématiques techniques. Ne s’attacher qu’à elles, c’est ignorer que le problème n’est pas uniquement technique, et qu’il est aussi et surtout politique. Comme nous l’avions expliqué l’an dernier, et comme le rappelle Arkados dans une invitation à ne plus utiliser Bit.ly, l’extension .ly est soumise à un contrat de respect de la Charia qui prévient que « les noms de domaine ne doivent pas contenir des mots, phrases ou abréviations obscènes, scandaleux, indécents ou contraires à la loi libyenne ou à la morale islamique« . Une réserve que le régime libyen a interprété de manière extensive. Ils n’ont pas seulement regardé le nom de domaine lui-même, mais aussi le contenu du site vers lequel il pointait, pour saisir des domaines utilisés par des sites pornographiques. Or rien ne permet à quiconque d’affirmer que le Colonel Kadhafi n’usera jamais de ces pouvoirs d’interprétation pour saisir Bit.ly, dont des URL pointent certainement vers des contenus contraires à la Charia, ou pour saisir Dai.ly qui sert aussi à faire connaître des vidéos des manifestants libyens, entre autres contenus déplaisants pour le régime.

En réaction à la révolte libyienne, certains services comme Page.ly ou Things.ly ont immédiatement redirigé tous leurs services vers leur .com, ou se préparent à le faire à tout moment.

Bit.ly, de son côté, conseille à demi mots à ses utilisateurs de préférer le domaine j.mp. L’extension appartient cette fois aux Iles Mariannes du Nord, un territoire du Commonwealth américain, situé dans un archipel de l’Océan Pacifique. Un choix plus sûr. Mais les utilisateurs devraient tout de même s’inquiéter : quelle pérennité pour les liens générés par des raccourcisseurs d’URL qui peuvent fermer du jour au lendemain ?

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