En charge de la régulation des noms de domaine sur Internet, l’ICANN s’agace des pressions des États-Unis en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage. Le directeur du GNSO, une instance décisionnelle de l’ICANN, estime ces déconnexions unilatérales remettent en cause la gouvernance internationale de l’Internet.

Les décisions unilatérales des États-Unis en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage sur Internet agacent passablement l’ICANN, l’instance internationale chargée de réguler l’accès aux noms de domaine. Selon l’un des responsables de l’organisation, les pressions politiques exercées par les États-Unis risquent de remettre en cause durablement le modèle actuel de gouvernance de l’Internet.

« Depuis un an, les agences de lutte contre la criminalité – que ce soit le FBI, Interpol ou les polices d’État – viennent à l’ICANN et au GNSO avec des demandes concernant la désactivation de sites et de noms de domaine » a expliqué cette semaine Stéphane Van Gelder, le directeur du Generic Names Supporting Organization et premier français à occuper ce poste.

« Nous avons déjà été convoqués à deux reprises à la Maison Blanche sur le sujet de la lutte contre la contrefaçon, et le but était de nous demander comment on agissait contre ce phénomène, et c’était fait de manière assez agressive. Il y a de vraies pressions, de véritables actions de lobbying, pour qu’on lutte contre ces phénomènes » a-t-il poursuivi.

Les autorités américaines ont accentué ces derniers temps leurs efforts contre la contrefaçon et le piratage. L’été dernier, le gouvernement avait présenté sa nouvelle stratégie dans ce domaine. Six mois auparavant, le vice-président Joe Biden, connu pour sa proximité avec les industries culturelles, avait organisé une table ronde sur le piratage entre les ayants droit et les services de sécurité du pays.

Le directeur du GNSO a notamment pointé du doigt les « déconnexions unilatérales » de sites décidées par les États-Unis. « C’est de la prise en otage de noms de domaine par les autorités américaines, une telle intervention des États n’est pas souhaitable. C’est une nouvelle tendance, mais une tendance de fond, il n’y a plus de discussion, seulement des décisions unilatérales de désactivation« .

Récemment, les autorités américaines ont voulu intervenir contre sites accusés de favoriser la distribution de contenus pédo-pornographiques. Au cours de la saisie des noms de domaine, une erreur a conduit au blocage de 84 000 sites qui n’avaient absolument rien à voir avec l’objectif poursuivi. Une situation à laquelle les autorités ont cru bon de ne pas présenter d’excuses.

« Le modèle n’est pas parfait mais tous les utilisateurs d’internet y sont représentés, à la différence de l’ONU qui est complètement fermée en comparaison, on ne peut pas appliquer la gouvernance étatique traditionnelle à Internet » a-t-il ajouté, appelant les États à utiliser les structures existantes et à ne pas passer outre systématiquement.

Malgré ses liens avec le département du commerce américain, l’ICANN essaie de préserver sa nécessaire indépendance. S’exprimant sur les noms de domaine « pirates » saisis par les autorités américaines, le directeur Rod Beckstrom a expliqué que son organisation n’avait pas l’autorité technique ou légale pour obtenir la fermeture de sites problématiques.

Sur l’affaire Wikileaks en particulier, l’ICANN avait assuré que sa politique s’appliquait à tous les sites web, même ceux posant un problème manifeste au gouvernement américain. De toute manière, une éventuelle intervention risquerait surtout de produire l’inverse de l’effet recherché. En tentant d’étouffer Wikileaks, les Etats-Unis vont surtout inciter de nombreux internautes à installer de nombreux sites miroirs.

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