C’est une dispute comme il en existe probablement beaucoup dans les milieux culturels, mais elle est symptomatique. Vendredi dernier, les organisateurs du Festival international des scénaristes de Bourges ont publié un communiqué (.pdf) pour dénoncer la Société civile pour l’Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes (Adami). Celle-ci a décidé de mettre fin au partenariat qui l’unissait au Festival depuis 8 ans, au titre duquel elle aurait dû verser 15 000 euros.
« Ce retrait soudain a pour conséquence de priver près de 400 enfants d’une partie de l’atelier Tout est langage qui consiste à découvrir en classe le scénario de deux films, qui sont ensuite lus et mis en scène par cinq comédiens« , s’indignent les organisateurs. Le retrait de l’Adami semble avoir été extrêmement brutal et sans préavis, alors même que son logo figurait déjà sur tous les éléments de communication.
Dans un communiqué envoyé jeudi, l’Adami répond de manière abrupte que « sa mission est d’apporter son soutien à des projets artistiques permettant notamment de valoriser l’emploi des artistes-interprètes, pas de financer ad vitam aeternam le fonctionnement des structures artistiques« .
« La décision de l’Adami de ne pas renouveler son partenariat tient au fait qu’aujourd’hui, en raison notamment du recul considérable des financements de la culture, de plus en plus d’organisateurs la sollicitent. Pour des raisons d’équilibre, voire même d’équité, nous ne souhaitons pas dire oui chaque année aux mêmes et dire non à tous les autres« , ajoute-t-elle.
L’Adami pose aussi la bonne question. « Plutôt que de pointer injustement la responsabilité de l’Adami, ne faudrait-il pas se poser la question de l’extrême fragilité de telles actions? Se poser aussi la question de savoir qui devrait financer les actions éducatives des festivals : l’Adami ou les pouvoirs publics : ville, département, région, Éducation nationale ?« .
C’est une interrogation inattendue de la part de cette société d’artistes qui se félicite sur son site des 25 ans de soutien à la création grâce à la copie privée, fêtés avec le ministère de la Culture le 10 janvier dernier. Comme nous l’expliquions encore le mois dernier à l’occasion d’un énième recours au Conseil d’Etat contre la taxe copie privée, celle-ci est en grande partie responsable des dysfonctionnements du financement des actions culturelles :
Alors qu’il était encore secrétaire d’Etat à l’économie numérique, Eric Besson avait proposé une série de réformes de la commission pour copie privée destinées à rééquilibrer son fonctionnement. Mais le ministère de la Culture ne semble pas pressé de les faire appliquer. Il faut dire que plus la rémunération pour copie privée est élevée, moins le ministère doit lui-même financer des actions culturelles. Dans un mélange des genres qui ne prête pas à la neutralité du gouvernement, la loi prévoit que 25 % des sommes collectées au titre de la rémunération pour copie privée soient affectés à des actions culturelles qui, sans cette taxe, seraient financées par le ministère de la Culture. Chacun trouve donc son compte à une taxe qui ne fait qu’augmenter, sauf les consommateurs et les industries électroniques.
Les 15 000 euros qu’auraient dû payer l’Adami si elle avait maintenu son partenariat auraient en fait été payés par les recettes issues de la taxe pour copie privée. Il est donc difficile de se féliciter d’un côté du maintien de la taxe pour copie privée, et de se plaindre d’un autre côté de devenir un guichet de financement préféré à l’Etat qui se désengage. Le rôle des sociétés de gestion collective ne devrait pas être de financer des festivals, mais uniquement de collecter et répartir l’argent qui doit aller à leurs sociétaires.
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