En censurant treize articles de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), le Conseil constitutionnel a étrillé le dernier projet sécuritaire porté par le gouvernement. Les sages n’auront en revanche pas fait barrage à une disposition particulièrement pernicieuse, l’article 4. En effet, celui-ci autorise le filtrage des sites web sans le contrôle de l’ordre judiciaire.
L’article 4 de la Loppsi oblige les fournisseurs d’accès à Internet à bloquer « sans délai » l’accès aux sites à caractère pédo-pornographique. Pour déterminer les sites à censurer, les opérateurs devront s’appuyer sur une liste préparée par l’autorité administrative, sans aucun contrôle préalable du juge. Pour justifier sa décision, il a estimé qu’il s’agit d’un équilibre proportionné entre la liberté de communication et la sauvegarde de l’ordre public.
Suite à la validation de l’article 4 par le Conseil constitutionnel, le cofondateur de la Quadrature du Net parle d’une « grande déception« . « Il est évident que la censure d’Internet ne résoudra rien à la pédo-pornographie, comme en témoignent les expériences menées à l’étranger« . C’est le cas de l’Allemagne, qui a ainsi abandonnée l’idée du filtrage des sites web en 2009.
« Après les mesures de suspension de l’accès à Internet de la loi Hadopi, les appels à l’interdiction de l’hébergement de WikiLeaks et les discours contraires à la neutralité du net, la France glisse un peu plus dans le camp des pays hostiles à l’Internet libre en instaurant la censure administrative du net » tranche le porte-parole de l’initiative citoyenne, Jérémie Zimmermann.
Le filtrage administratif du net validé par le Conseil constitutionnel pourrait néanmoins faire l’objet d’un recours à l’échelle européenne, selon la Quadrature du Net. Cette disposition serait en effet contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme. L’initiative européenne rappelle également que le Parlement européen est favorable à encadrement strict des mesures de filtrage mises en place dans les États membres.
La décision du Conseil constitutionnel de considérer l’article 4 comme étant compatible avec la Constitution a également fait réagir le Parti pirate. Dans son communiqué, la formation regrette que l’opposition en général, et le Parti socialiste en particulier, n’aient pas profité de ses travaux. Le Parti pirate avait en effet publié en janvier une saisine du Conseil constitutionnel sous licence libre.
« Nous avons effectué tout cela sans attendre aucune contrepartie, ni même de reconnaissance ; tout ce que nous demandions, c’est que soient préservées nos libertés et l’État de droit » écrit le Parti pirate, regrettant que « les socialistes n’aient pas repris l’essentiel de nos arguments ; bien que nous nous soyons assurés qu’ils prennent conscience de notre saisine, et que nous leur ayons même offert une chance de se rattraper« .
Comme nous l’écrivions alors, un travail collaboratif autour de la saisine du Conseil constitutionnel était une idée excellente. L’expertise du Parti pirate sur les questions des libertés dans l’espace numérique aurait pu combler les manques éventuels du Parti socialiste sur certaines dispositions de la loi, comme l’article 4. Une expertise d’autant plus nécessaire que le PS avait déjà fauté avec le projet de loi d’ouverture au marché des jeux d’argent en ligne.
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