La lutte contre le piratage sportif a parfois des allures de Sisyphe remontant toujours son rocher au sommet de la montagne. C’est peut-être ce que se disent les titulaires de droits lorsqu’ils combattent le piratage d’œuvres culturelles ou de compétitions sportives sur Internet. Sauf qu’ici, le rocher est remplacé par les sites, qui reviennent sans cesse.
Un travail interminable, mais que les ayants droit n’abandonnent pas. La preuve : Canal+ a été à l’origine d’une offensive récente contre les sites pirates spécialisés dans l’IPTV, en obtenant de la justice française une série de blocages et de déréférencements. Au total, l’action cible une petite cinquantaine de sites
Canal+ fait neutraliser l’accès à de nombreux services IPTV
Signalée sur X (ex-Twitter) le 17 octobre par l’avocat expert des réseaux Alexandre Archambault, l’offensive menée par Canal+ a ratissé large. Les deux principaux moteurs de recherche utilisés en France (Google et Bing) ont été sollicités pour déréférencer les sites. Mais c’est surtout au niveau des fournisseurs d’accès à Internet que l’effort est notable.
En effet, aux côtés des opérateurs fréquemment mobilisés dans ce genre d’affaire (Orange, Bouygues Télécom, SFR, SFR Fibre, Free et Free Mobile), on trouve aussi un important contingent de FAI d’outre-mer.
Sont cités Free Caraïbe, SPM télécom, OMT, SRR, an’l, Micrologic systems, Nautile, OPT-NC, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Télénet, Viti, Canal + télécom, Dauphin télécom, Digicel Antilles françaises Guyane, Globaltel, Parabole Réunion, Telco Oi, United telecommunication services Caraïbe, Zeop et Zeop mobile.
Tous ces jugements ont été prononcés le 10 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Paris. Dans sa plainte, Canal+ souligne être « notamment spécialisée dans la diffusion en direct et en différé de programmes sportifs, dont la compétition annuelle de football, dite Ligue des champions », qui va du 9 juillet 2024 au 31 mai 2025.
Or, rappelle la chaîne française, les droits ont été acquis « à titre exclusif […] pour les 203 matchs des mardi, mercredi et jeudi de l’évènement, à l’exception de la finale pour laquelle l’exclusivité sera partagée avec la société M6. Ces droits sont valables en France et dans ses territoires d’Outre-mer. »
Le problème, c’est qu’il existe « de nombreux sites internet accessibles depuis la France diffusent de manière quasi-systématique, gratuitement, en streaming et en direct entre autres les matchs de multiples compétitions, notamment de football ». D’où l’action entreprise par la chaîne en ce mois d’octobre.
La liste des IPTV pirates bloqués en lien avec le football
- livetv806
- rojadirectahdenvivo
- streamsthunder
- methstreams
- antenasports
- asportv
- toparena
- lshunter
- tv1337
- livetv
- sporttuna
- livetv807
- embx224539.apl366
- cdn.livetv807
- locatedinfain
- tvhd.tutvlive
- stream-24
- speci4leagle
- v1.methstreams
- klubsports
- weblivehdplay
- buddycenters
- olalivehdplay
- 1qwebplay
- sporttvls
- euro2024direct
- librarywhispering
- cdn.livetv808
- watch.sporttuna
- sporttuna
- sporttuna
- lewblivehdplay
- viwlivehdplay
- r365
- fmytv
- aliezstream
- antenasport
- antenatv
- antennasport
- livetv802
- emb.apl357
- boxtv60
- infinity-ott
- vbn123
- cdn.livetv807
Une offre légale mal calibrée ?
Les efforts déployés par Canal+ s’inscrivent dans le sillage d’autres actions en justice prises plus tôt cette année, particulièrement au moment de la reprise de la Ligue 1 sur DAZN et BeIn Sports. En août, la ligue de football professionnel annonçait le blocage de plusieurs sites de streaming et de services d’IPTV, sur décision du tribunal.
Mais on pourrait remonter à plus loin dans le temps, à l’image des mesures prises en 2022 et 2023 pour essayer de résorber l’utilisation de l’IPTV et du streaming à la place de l’offre légale. Rien qu’en 2024, selon un bilan des huit premiers mois, on relevait 1922 services illégaux bloqués à la demande de l’Arcom (contre 1544 en 2023).
Il y a d’importants enjeux financiers pour les chaînes qui font l’acquisition des droits TV des matchs de football. En novembre 2023, les ayants droit avançaient un manque à gagner de 500 millions d’euros et une estimation d’un peu plus de 5 % de la population française qui posséderait un boîtier IPTV pour accéder à des contenus piratés.
Reste toutefois la question de l’accessibilité de l’offre légale. Dans le cas de DAZN par exemple, de nombreuses voix s’élèvent pour dire que la grille tarifaire appliquée par la plateforme n’est pas pertinente. Cela explique des expérimentations avec des prix à -50 % ou des périodes gratuites. Même le président de l’Arcom l’a admis :
« Quand il y a une offre à un prix équilibré et raisonnable pour le consommateur, le piratage, j’allais dire, disparaît. En matière musicale, c’est très net. Le piratage a fondu comme neige au soleil parce que l’on peut accéder à une offre quasi universelle pour un prix raisonnable. Lorsque l’on est sur des prix exorbitants, c’est sûr que l’on alimente le piratage. »
Le jeu du chat et de la souris
Il est à souligner que les mesures de déréférencement et de blocage ne sont pas équivalentes à la fermeture physique d’une plateforme, avec saisie des serveurs ou des noms de domaine. Il s’agit d’entraver, par exemple via un blocage DNS, l’accès des visiteurs en ne répondant pas correctement à leur requête. Idem en cachant un résultat d’une recherche web.
Ces dispositions peuvent contrarier une partie des internautes, mais ce n’est pas la recette miracle. Il existe des moyens techniques pour retrouver l’accès à ces plateformes, en faisant croire que l’on vient de l’étranger (via un VPN) ou en modifiant ses DNS sur l’ordinateur, pour échapper au blocage DNS de son opérateur. Idem en changeant de moteur.
Par ailleurs, d’autres sites pirates émergent régulièrement, obligeant les ayants droit à maintenir une veille continuelle et à régulièrement saisir les tribunaux pour les rendre inaccessibles en France. Néanmoins cela ne va pas en s’arrangeant : de nouvelles pratiques émergent, avec des diffusions sauvages sur Twitch, X ou bien Telegram.
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