Ca n’est pas habituel. Interrogé sur le sort des journalistes de presse, le ministère de la Culture a mis en doute l’importance de la crise qui secoue les photographes professionnels, en montrant que le secteur semblait plutôt bénéficier d’une embellie depuis la fin des années 1990.

Dans une question posée au gouvernement en février 2010, la députée Joëlle Ceccaldi-Raynaud (UMP) s’était émue du fait que la photographie soit délaissée dans les suites de la loi Hadopi, et avait demandé ce qu’il entendait faire pour « sauver le secteur de la photographie de presse« . Ces derniers mois, plusieurs agences de presse photo ont fermé leurs portes ou affronté de grandes difficultés financières qui ont menacé leur survie. Dans sa réponse, publiée mardi au Journal Officiel, le ministère de la Culture concède dans un premier temps qu’ « à l’instar du reste de la presse, le photojournalisme traverse une crise tant structurelle que conjoncturelle grave« . Mais il relativise ensuite, avec une capacité de prise de distance que l’on ne connaissait pas à la Rue de Valois.

Le ministère de la Culture estime en effet que si le secteur est en crise, c’est parce que « les pratiques évoluent, les usages changent et engendrent des problèmes spécifiques au métier du photojournalisme« . Il pointe du doigt notamment l’ « émergence de nouvelles concurrences encouragées par la démocratisation numérique et l’explosion corrélative d’une offre portée par la photo  » amateur « « , sans le critiquer pour autant. Le discours est plus neutre que celui du ministre Frédéric Mitterrand, qui avait regretté à l’Assemblée au mois d’octobre 2010 que « des sites en ligne proposent à bas prix des photos, ce qui conforte l’idée que les photos ne valent rien et que toutes se valent« .

Surtout, le ministère met en doute l’idée-même que le photojournalisme soit en crise. Si les studios le sont, ça ne serait pas forcément le cas des photographes. Le gouvernement estime qu’une étude réalisée en juillet 2010 « ne permet pas de conclure, sur ces deux dernières années, à une baisse massive des revenus des photojournalistes ni à une augmentation importante du nombre de ceux qui exercent leur activité en indépendant« . Il rappelle même que d’après les propres données de l’Agessa, qui gère la sécurité sociale des auteurs, le nombre de photographes en France a véritablement explosé, avec 1937 photographes en 1994, et 2837 en 2003 ! 52 % des photographes ainsi référencés touchent un revenu supérieur au SMIC.

Cette augmentation du nombre de photographes professionnels n’a pas dilué les revenus, au contraire. Elle s’est accompagnée d’une croissance des revenus issus du droit d’auteur, qui sont passés collectivement de 41 millions d’euros en 1994 à 78 millions d’euros neuf ans plus tard.

En 2009, selon l’Agessa, 1500 journalistes photo ont perçu des droits d’auteur.

Le ministère de la Culture annonce tout de même la mise en place d’un « observatoire du photojournalisme qui aura pour mission d’assurer le suivi des indicateurs économiques et sociaux de la profession et de décider des études à réaliser en vue d’améliorer les conditions d’exercice du métier de photojournaliste« .

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