Au milieu de la nuit entre mardi et mercredi, les députés ont adopté le projet de loi prorogeant l’état d’urgence, qui devra désormais être débattu par le Sénat. Pour la première fois, les élus de l’Assemblée nationale ont choisi de proroger pour six mois le régime spécial qui oblige la France à déroger à des droits de l’homme, multipliant par deux la durée habituellement prévue.
Il y a moins d’une semaine, il était encore prévu de mettre fin totalement à l’état d’urgence, avant que l’acte abominable commis à Nice par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne vienne raviver les réflexes sécuritaires et rendre cette suspension illusoire. Même si à ce stade de l’enquête absolument rien ne permet de dire que l’attentat réalisé par cet homme au profil psychologique si particulier aurait pu être évité par la mise en œuvre de mesures permises par l’état d’urgence, et même si ses liens avec des réseaux djihadistes ou l’islam radical restent extrêmement flous, gouvernement et opposition s’entraînent l’un et l’autre dans un même corner. Pas question de donner à la population apeurée le sentiment de tergiverser, à moins d’un an des élections présidentielle et législatives.
Puisque le gouvernement ne sait plus (ou ne veut plus) envisager la sécurisation sans proclamation de l’état d’urgence, celle-ci apparaîtra naturelle
Or ces élections sont précisément la raison pour laquelle l’état d’urgence ne sera pas prolongé « seulement » jusqu’au mois de février 2017, mais bien évidemment au delà.
Le premier ministre Manuel Valls l’a dit, mardi soir face aux députés : « il y aura d’autres attentats et il y aura d’autres innocents tués ». Les attentats ne vont pas s’arrêter après celui de Nice. Il sera donc inimaginable pour la majorité socialiste, à quelques mois des convocations aux urnes, de suspendre l’état d’urgence et de prendre le risque d’un nouvel attentat dont ils pourraient alors être jugés responsables par laxisme. Il sera tout aussi impossible pour l’opposition de prôner un retour au droit commun, alors qu’elle nourrit son électorat de propositions toutes plus musclées les unes que les autres, jusqu’à prôner d’enfermer de simples suspects sans procès.
Pour prolonger à nouveau de six mois l’état d’urgence après février 2017, il suffira de dire aux Français la vérité : les meetings de campagne qui rassemblent personnalités politiques et militants réunis par milliers vont être des cibles privilégiées des terroristes, et nécessiteront d’être fortement sécurisés. Or puisque le gouvernement ne sait plus (ou ne veut plus) envisager la sécurisation sans proclamation de l’état d’urgence, celle-ci apparaîtra naturelle.
On peut déjà faire le pari que l’état d’urgence sera prolongé au moins jusqu’en juillet 2017. À charge ensuite, au nouveau gouvernement, de décider ce qu’il fait de cet héritage.
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