Une célèbre chaîne YouTube spécialisée dans la lutte contre les manipulations et les pseudo-sciences, G Milgram, a été la cible d’une réclamation visant l’une de ses vidéos, qui traitait de la géobiologie. Celle-ci utilisait un extrait de 50 secondes tirée d’une vidéo d’un géobiologue pour illustrer un propos. Celui-ci a utilisé une option pour faire une réclamation sur fond de droit d’auteur. G Milgram en appelle à YouTube.

C’est un exemple de plus montrant que les outils de signalement sur Intenet sont parfois détournés à la seule fin de réduire ses contradicteurs au silence. Dans la journée du 3 novembre 2024, le vidéaste G Milgram a eu la mauvaise surprise de constater que l’une de ses dernières vidéos a été tout simplement retirée de YouTube.

La raison ? Elle aurait enfreint les droits d’auteur d’un autre internaute. En lieu et place de la vidéo, qui comptait selon G Milgram 400 000 vues avant son retrait, on trouve en effet le message suivant : « cette vidéo n’est plus disponible en raison d’une réclamation pour atteinte aux droits d’auteur envoyée par Martinez Jean-Pierre. »

Son tort ? L’utilisation d’un extrait de 50 secondes d’une des vidéos de cet autre internaute, pour illustrer son propos. Sur son site web, Jean-Pierre Martinez se présente comme un « chercheur en énergétique, formateur de thérapeute et clairvoyant, révélateur de talents ». Il dispense notamment des formations en « géobiologie ».

La chaine de G Milgram // Source : Capture d'écran
La chaine de G Milgram // Source : Capture d’écran

C’est justement cela qui a été la cible de G Milgram, dans sa vidéo titrée Une arnaque ésotérique soutenue par l’État. En description, G Milgram ajoutait : « Imaginez un produit débile, mais genre vraiment complètement débile. Maintenant, multipliez le niveau de connerie par 42 et vous avez le sujet du jour. Petite enquête astrale à regarder jusqu’au bout ! »

Pour qui n’est pas familier avec la chaîne de G Milgram, sa ligne éditoriale s’intéresse aux manipulations et des théories du complot (covid, voyance, sourciers, QAnon ou encore patchs anti-ondes). Il s’était par exemple penché sur cette fameuse crème « quantique » de Guerlain, nouvelle preuve des pseudosciences exploitant les mots de la physique.

La géobiologie, facette de la pseudoscience

Il existe en réalité deux géobiologies.

La première relève de la science, et se trouve au confluent de la biologie et des sciences de la terre. On y traite des interactions entre les êtres vivants et le milieu dans lequel ils évoluent, ce qui permet notamment de déterminer des environnements du passé. L’Institut de Physique du Globe de Paris, par exemple, s’y intéresse.

La seconde est classée dans la catégorie des pseudosciences. À travers des « techniques » associées à des accessoires précis (comme des pendules et des antennes de Lecher), cette géobiologie prétend déceler des « failles telluriques », des « réseaux Curry », des « courants parasites » et autres particularités liées aux « champs énergétiques » (les ondes magnétiques, les champs électriques, etc.).

Cette pseudoscience n’est pas particulièrement récente, mais elle a reçu une attention plus importante que d’ordinaire ces jours-ci. En raison, d’abord, de la vidéo sortie par G Milgram (qui a été suivie d’une autre vidéo intitulée L’État, noyauté par le bullsh*t (Enquête : suite et fin), et toujours en ligne à ce jour), mais aussi d’une question parlementaire.

Des pratiques financées par de l’argent public

Le député Éric Bothorel a en effet posé une question écrite à la ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, Annie Genevard, le 29 octobre. Dans celle-ci, l’élu des Côtes-d’Armor s’étonne d’apprendre que la géobiologie, « une pratique sans aucun fondement scientifique établi, serait pourtant financée par des fonds publics. »

S’appuyant justement sur la vidéo de G Milgram, le parlementaire relève que « [les interventions des géobiologues] à la charge du Trésor public se multiplient, en particulier dans le cadre du processus d’installation d’éoliennes ou de dispositifs agrivoltaïques ». Or, cela fait tache à l’heure où une grande chasse aux économies est lancée.

Le député relève que plusieurs chambres d’agriculture « demanderaient à recourir à des géobiologues pour analyser la pertinence des implantations, pour un coût compris entre 500 et 3 000 euros par intervention ». Il y aurait aussi des formations en géobiologie, possiblement éligibles au crédit d’impôt, voire salarient des géobiologues.

Inadmissible pour l’élu, car ces chambres « sont des établissements publics, financés par l’argent public. À ce titre, s’il apparaît que le Trésor public finance effectivement la géobiologie, qui ne fait l’objet d’aucun fondement scientifique, cela appellerait à la plus grande attention ». Et surtout, une action de la ministre pour y mettre fin.

Guillaume Limousin, professeur de mathématiques au collège, et connu pour avoir pointé les faiblesses méthodologiques de Didier Raoult au sujet de l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur les malades atteints de la Covid-19, a rappelé que la science a déjà démontré l’inefficacité de la géobiologie, notamment en 1999.

Dans l’attente d’une intervention de YouTube

En principe, le Code de la propriété intellectuelle dans son article L122-5 autorise, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source, les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées.

G Milgram, dans un fil sur X (ex-Twitter), explique qu’il pensait être dans son bon droit en raison de cette exception au droit d’auteur. « Oui, j’utilise un extrait de 50 secondes d’une de ses vidéos bullshits », a-t-il écrit. « Ça doit rentrer dans le droit à la citation et dans l’exception pédagogique. Du moins j’espère… Je viens de faire appel de la suppression de la vidéo. »

Plusieurs autres internautes ont depuis apporté leur soutien à G Milgram, en mentionnant notamment les équipes françaises de Google et de YouTube, de façon, espèrent-ils, à accélérer le processus de remise en ligne de la vidéo. Pour le moment, la vidéo reste indisponible. Ce qui pourrait amener G Milgram à change de fusil d’épaule :

Sans parler de la perspective d’une riposte judiciaire. Comme le note l’avocat Alexandre Archambault sur X, une notification abusive pour obtenir le retrait d’un contenu expose son auteur à des sanctions aussi bien pénales (article 6 de la LCEN avec la clé jusqu’à 1 an prison et 15 000 € amende) que civiles (article 1240 code civil).

(mise à jour avec une précision juridique de maître Archambault)

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