« Je suis pauvre, j’habite en HLM, j’ai zéro euro de côté, mais j’ai ça… » Mathilde retourne la caméra de son téléphone et se filme avec son fils, au bord d’un plan d’eau, dégustant des sushis. « … ma plus grande richesse », soupire-t-elle. La vidéo émeut la toile et explose. Neuf millions de vues, 1,4 million de likes. 400 000 abonnés plus tard, la maman solo raconte dans une vidéo, publiée le 30 septembre 2024 – depuis supprimée –, avoir gagné 10 000 euros de revenus TikTok en trois mois juste grâce à ses vues. Elle n’est pas la seule. En septembre, Charlotte filme son minuscule appartement et fait des millions de vues. « En un mois, j’ai gagné plus en vues que mon salaire de serveuse », raconte-t-elle à Numerama. Elle arrête alors son emploi et se lance à plein temps sur TikTok.
RPM et vues éligibles sur TikTok
« Je gagne entre 1 000 et 1 150 euros par mois avec les vues TikTok », commence Constance auprès de Numerama. Presque un Smic. Un an et demi qu’elle a rejoint la plateforme et six mois qu’elle poste deux à trois vidéos par jour. Sa petite notoriété lui permet aussi de promouvoir sa marque de carnets. Avec ses 60 000 abonnés, elle raconte avoir un RPM (revenu pour mille vues) de 40 centimes en moyenne.
Pour débloquer cette rémunération, il faut être âgé de 18 ans minimum et avoir au moins 10 000 abonnés. Le RPM varie en général de 1 à 60 centimes par 1 000 vues – et peut monter dans certains cas jusqu’à 2 euros ! C’est l’algorithme TikTok qui fait fluctuer le tarif. Si les vidéos des créateurs sont régulières et consultées plus d’une minute, le RPM peut grimper vite. Ce qui marche, c’est l’authenticité, l’humour et la capacité des créateurs à rebondir sur l’actualité.
Le RPM ne définit pas intégralement les revenus d’un créateur de contenu. Là encore, la monétisation des vues est soumise à d’autres conditions. « Le plus important, ce sont les vues éligibles », explique Constance. Elles doivent provenir de spectateurs qui habitent dans des pays éligibles à l’offre TikTok. Ce n’est pas le cas, par exemple, pour nos voisins belges ou pour certains pays d’Afrique. Il faut aussi que le temps de visionnage des vidéos dépasse les cinq secondes.
Monétisation extérieure
7 000 dollars nets en un seul live, après que TikTok en ait prélevé plus de la moitié : la phénoménale Pinky Doll défrayait la chronique l’an passé en déclarant ses revenus sur un plateau de télévision québécois. Les lives, des vidéos en direct, sont devenus un moyen pour les créateurs de contenus de recevoir de l’argent via leur public. Les spectateurs achètent des « cadeaux » virtuels qu’ils offrent au vidéaste. Le prix peut varier d’une pièce virtuelle pour une petite rose, à 45 000 pièces virtuelles pour un logo TikTok Universe – le plus cher.
Quand les cadeaux sont offerts, ils s’affichent sur le live avec une animation propre à chacun. Les pièces virtuelles coûtent à l’utilisateur environ un centime d’euro et rapportent à peu près la moitié aux créateurs. Le phénomène va plus loin encore : des spectateurs dépensent parfois des centaines d’euros par mois pour offrir des cadeaux aux créateurs de contenu. Comme cette mère, qui a dépensé plus de 15 000 euros en cadeaux. Selon la radio Mouv, TikTok serait presque devenu un « casino en ligne ».
Les partenariats sont également un excellent moyen de bien gagner sa vie, surtout pour les créateurs de contenu. Bien que les collaborations soient généralement mieux rémunérées sur YouTube, où l’engagement et la fidélité de l’audience sont souvent plus élevés, elles peuvent aussi représenter une source de revenus intéressante sur la plateforme.
Ainsi, Constance s’est vu proposer entre 200 et 500 euros pour des partenariats, pour faire deux ou trois vidéos sur la marque. Elle a cependant refusé, ne les jugeant pas adaptés à son contenu et aux styles de vie qu’elle souhaite partager. Ce format de partenariat, qu’on nomme UGC (pour « contenu généré par les utilisateurs »), a le vent en poupe sur la plateforme. Dans ces formats, les créateurs partagent leurs recommandations en taguant les marques, en échange de colis, d’invitations ou d’argent.
Instabilité financière
« Juste avec des vidéos, vous pouvez gagner plus qu’un Smic […]. Là, TikTok m’a payé mes vacances », lance Ilyess La Griffa, 218 000 abonnés, les pieds dans l’eau dans une station balnéaire espagnole. Les vues peuvent donc suffire pour vivre convenablement, à condition d’avoir beaucoup d’abonnés, un bon RPM et d’avoir des vues monétisables. Mais ces revenus restent instables. Même si l’argent de TikTok peut mettre des paillettes dans les yeux, Constance analyse : « À moins d’être quelqu’un très connu comme certains Américains [tel que Khaby Lame, qui a tout arrêté après avoir percé sur TikTok et est devenu une star, ndlr], je trouve que c’est un peu irresponsable. »
Du jour au lendemain, Tony a perdu son compte de 37 700 abonnés, banni par la plateforme, raconte-t-il à Numerama. Adieu les 2 600 euros qu’il avait réussi à dégager en deux semaines et qu’il n’a jamais pu toucher. Pour Constance, ça n’a pas toujours été facile non plus. Elle a subi la rigidité de l’algorithme TikTok : « J’ai été shadowban. J’ai répondu à une fille qui m’avait insultée en vidéo et suite à ça, pendant deux trois jours, je ne dépassais pas les centaines de vues et les trois j’aime. » Pour la jeune entrepreneuse, pas question de quitter son contrat dans la mode. Si son salaire n’est pas beaucoup plus important que ses revenus TikTok, c’est avant tout un revenu stable et fiable.
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