Refusant de lui appliquer le régime protecteur de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé mardi le jugement qui avait condamné l’auteur de TorrentNews à 4 mois de prison avec sursis, et près de 20 000 euros de dédommagement.

« Mon avocat vient de donner le résultat de mon procès en appel contre la Sacem : la condamnation vient d’être confirmée dans tous ses points« , nous apprend Blackistef, l’auteur des sites Torrentnews.net et Torrent-public-center.com. Avant d’être reconverti en site d’actualités, le premier proposait un forum de partage de liens BitTorrent, tandis que le second donnait accès à un moteur de recherche basé sur les trackers BitTorrent.

Arrêté en juin 2008, l’homme avait été placé en garde en vue suite au dépôt d’une plainte par la SACEM. Une expérience traumatisante. « J‘ai passé une journée comme un voleur, enfermé 5h dans leur cachot rempli de merde et de gerbe (jusque sur les murs)… Un trou dans le sol en guise de toilettes (dont on ne peut pas tirer la chasse ) un unique banc en ciment (qui fait la moitié de la pièce, tout déguelasse et recouvert d’une couverture pleine de gerbe. Une odeur indescriptible, les gars ont écrit leur nom avec de la merde sur les murs, mélangé avec le reste de bouffe du detenu d’avant« , racontera-t-il à l’époque. « Même les cages de la SPA sont plus propres et plus humaines !« .

Un an plus tard, en juin 2009, Blackistef avait été condamné par le tribunal correctionnel de Nice à 4 mois de prison avec sursis, et 17.000 euros de dommages et intérêts à la Sacem, dont 1500 euros de préjudice moral. C’est cette condamnation que la cour d’appel vient de confirmer. L’auteur des deux sites devra verser 16000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice matériel, 1000 euros pour le préjudice moral, et 2000 euros de frais de publication de la décision dans la presse. La prison avec sursis est également confirmée. Par ailleurs, la cour d’appel a ordonné la non-restitution du matériel saisi en 2008 : 2 disques dur, une souris, un clavier, un téléviseur 55cm et même une Freebox qui pourtant appartient à Free, et non à l’abonné.

Derrière ce jugement se pose la question de l’application de la loi pour la confiance dans l’économie numérique aux forums et moteurs de recherches de liens BitTorrent, qui ne sont enrichis que des contributions des membres, et des résultats offerts par les trackers tiers. Lors de la première instance, le défendeur avait tenté d’expliquer au tribunal que la loi LCEN devait lui assurer l’immunité, puisqu’il ne publie lui-même aucun contenu piraté, et n’est qu’hébergeur des messages. « J’ai rapidement été repris par l’assesseur qui a expliqué au tribunal que cette loi existe mais qu’elle est destinée uniquement à protéger les FAI et les hébergeurs au sens propre. J’ai donc compris que le tribunal ne tiendrait pas du tout compte de cette loi dans mon affaire« , expliquait-il en 2009.

Le même argument a été soulevé en cour d’appel, avec le renfort des décisions récentes de la cour de cassation en faveur de Dailymotion et Fuzz, qui étendent l’application de la LCEN aux éditeurs de sites Internet qui ne sont pas maîtres des contenus qu’ils publient. Mais l’argument n’a pas pris. Selon les premiers éléments, la cour d’appel aurait pris en compte « la connaissance des faits illicites » par le webmaster, sans qu’il soit besoin pour les ayants droit de demander le retrait des contenus les uns après les autres. Or c’est un avis qui pourrait se discuter au regard de la jurisprudence de la cour de cassation, qui avait affirmé en début d’année que la connaissance de la nature illicite des contenus ne se présume pas, mais doit se prouver par le respect d’un certain formalisme par les ayants droit.

« J’ai 3 jours pour décider de me pourvoir devant la cour de cassation, mais je n’ai ni la force ni l’argent pour pouvoir continuer« , nous dit-il. « Je pense que la Sacem vient de gagner une belle jurisprudence« .

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