C’est une histoire tragique que Wikileaks permet de mieux comprendre, et que raconte TorrentFreak. Entre 2004 et 2006, un groupe de la scène warez, maVen, avait diffusé sur Internet plusieurs longs métrage issus de versions filmées dans des salles de cinéma avec un caméscope. Ces versions « Telesync » étaient ensuite reprises par des groupes organisés pour être vendues au marché noir en DVD ou VCD.
Au terme d’une enquête menée à la demande de la MPAA, qui représente les studios de cinéma américain, le FBI avait conclu que les vidéos provenaient du Canada. C’est donc la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui avait procédé à l’arrestation de Geremi Adam, qui venait de filmer Invincible et la comédie How to Eat Fried Worms. Cependant à cette époque, en 2006, le Canada n’a pas encore de loi contre le camcording (ce qui avait conduit Warner à une grève des avant-premières). L’homme est donc relâché, avant d’être à nouveau arrêté un mois plus tard.
Selon TorrentFreak, Geremi Adam a attendu 14 mois avant de connaître ses chefs d’accusation, ce qu’il aurait très mal vécu. Alors qu’il avait déjà été atteint de dépression par le passé, le jeune homme vit tellement mal son incarcération qu’il devient dépendant à la morphine, qu’il utilise pour gérer son stress. A sa sortie de prison, l’an dernier, il succombe à une overdose.
L’histoire est tristement banale, et il est bien sûr impossible de lier la mort d’Adam à son arrestation. Peut-être aurait-il tout autant succombé à la drogue par d’autres chemins. Cependant cette histoire prend une tournure amère lorsque l’on découvre, au détour d’un câble diplomatique révélé par Wikileaks, que la Gendarmerie royale du Canada ne voulait pas s’occuper de Geremi Adam, estimant que le dossier manquait de base légale et qu’il y avait des priorités bien plus urgentes que la lutte contre les copies de films, en particulier la lutte contre les médicaments contrefaits. Elle aurait conseillé à l’Association Canadienne des Distributeurs de Films (ACDF) d’exercer une action civile, et non pénale, ce qui n’aurait pas permis une peine de prison.
Cependant, selon le câble diplomatique « des agents de la GRC ont fait savoir qu’ils avaient arrêté l’individu ‘par faveur personnelle’ à un agent de l’ACDF, et qu’ils ne voyaient pas le camcording au cinéma comme un problème majeur« .
La GRC aurait même estimé que Geremi Adam n’était qu’un « petit acteur » dans le piratage, qui était « manipulé par des organisations pirates plus grandes« , et que lui-même ne recevait « aucune récompense financière pour son travail« . La Gendarmerie se serait aussi plainte d’être perçue de plus en plus comme le bras armé du lobby du cinéma.
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