Le Conseil d’État a retoqué des recours déposés par des associations, qui tentaient d’obtenir l’invalidation d’un décret concernant l’usage de drones par les forces de l’ordre. Pour la plus haute juridiction de l’ordre administratif, les garanties sont là.

L’utilisation de drones de surveillance à des fins de sécurité publique est une pratique qui s’enracine en France. En tout cas, cette trajectoire vient d’être confortée par le Conseil d’État : la plus haute juridiction de l’ordre administratif en France a rendu à la fin décembre une décision concernant des requêtes qui tentaient justement de s’y opposer.

L’instance a rayé les espoirs de la Ligue des droits de l’homme, de la Quadrature du Net, de Dataring ainsi que d’Adelico (association de défense des libertés constitutionnelles). Elle a rejeté le 30 décembre 2024 leurs recours contre un décret daté du 19 avril 2023, relatif à l’emploi des drones à des fins de maintien de l’ordre.

Pour les quatre associations, il était nécessaire de réclamer l’annulation de ce décret « relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative », car il constituait un « excès de pouvoir ». Mais cette lecture n’est pas partagée par le Conseil d’État.

Les nombreuses garanties observées par le Conseil d’État

Dans un avis qui développe sa lecture juridique de la situation, le Conseil d’État observe qu’il existe de nombreuses mesures qui servent à éviter une utilisation excessive des drones au nom de la sécurité. Ainsi, il n’y a pas, par exemple, de captation de son par les drones. Exit aussi les croisements de fichiers et la reconnaissance faciale automatisée.

Il y a bien sûr la possibilité d’un enregistrement de « données personnelles à caractère sensible » lors de l’emploi de ces drones de surveillance. Mais, là encore, le Conseil d’État observe une limite de conservation (7 jours à partir de la fin du déploiement du dispositif) et l’impossibilité de sélectionner des individus regroupés en catégories.

Des exceptions peuvent cependant exister. Ainsi, sur la durée de rétention des images captées par les drones, les enregistrements peuvent être conservés en cas de procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire. Idem pour la captation de l’intérieur d’un domicile ou de l’entrée. Il y a une règle générale, et des aménagements précis.

Conseil d'Etat
Le Conseil d’Etat. // Source : Naval S

Ainsi, les drones sont employés de telle sorte qu’ils ne visent pas à filmer ces points de vue et, le cas échéant, « l’enregistrement est immédiatement interrompu ». Cependant, si pour les besoins d’une action opérationnelle, une vue est nécessaire, alors cette exception est autorisée. Les images devront toutefois être effacées dans les 48 heures.

D’autres garde-fous sont mentionnés par la juridiction administrative. Le feu vert pour recourir à un tel dispositif nécessite l’aval d’une autorité (préfet de police ou représentant de l’État dans le département), sous une forme écrite et motivée. En outre, ces autorisations peuvent être attaquées en justice, via un juge administratif.

Par ailleurs, le décret d’avril 2023 fixe des règles d’emploi contraignantes. Le recours aux drones ne peut se faire que s’il est impossible « d’employer d’autres moyens moins intrusifs au regard du droit au respect de la vie privée ou que l’utilisation de ces moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents ».

Le décret fixe d’ailleurs les circonstances dans lesquelles il est possible de se servir de ces engins : la lutte contre les actes terroristes, le secours aux personnes, la lutte contre l’immigration illégale aux frontières, la sécurité des manifestations, notamment sensibles, la sécurité des flux de transport ou encore certains lieux à risque.

La Cnil avait relevé des points à améliorer

Pour sa part, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a été amenée à vérifier le décret lorsqu’il était encore à l’état de projet. Dans sa délibération du 16 mars 2023, l’instance chargée de vérifier si l’utilisation des données personnelles se fait dans un cadre raisonnable et légal n’avait pas relevé de problème vraiment saillant.

La Cnil comprenait les besoins légitimes de sécurité, mais rappelait des points d’amélioration. Elle estimait aussi que le décret était acceptable à condition de bien appliquer les garanties préconisées (protection de la vie privée, limitation des finalités, durée de conservation raisonnable, information des personnes, etc.).

La Cnil suggérait des progrès à faire dans le chiffrement et de la signature des enregistrements. Elle proposait l’ajout d’un horodatage dans les flux et la mise en place d’un tatouage numérique de la vidéo pour décourager toute modification du contenu. D’autres pistes, dont la révision de certaines durées de conservation, étaient aussi formulées.

Ainsi, « concernant l’utilisation des images à des fins pédagogiques et de formation après anonymisation, la Commission rappelle que l’anonymisation doit être effective », était-il demandé. Elle demandait même une réduction de la durée de conservation (3 ans) des données des personnels amenés à travailler sur ces captations.

L’analyse juridique du Conseil d’État, qui s’étend à bien d’autres aspects du décret, et développe les raisons pour lesquelles il n’y a pas de problème, met donc un terme aux actions des associations. Il s’agit d’une décision sur le fond, et non pas un référé-suspension, qui est une procédure d’urgence spécifique.

Au passage, la plus haute juridiction administrative française a aussi éteint la demande des associations qui réclamaient de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel. Pour le Conseil d’État, cela n’est pas du tout nécessaire, au regard de toutes les explications qui ont été données dans sa décision.

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