Comme son nom le laisse deviner, la riposte graduée est une échelle de sanctions destinée à contraindre l’internaute accusé de pirater des contenus culturels à revenir dans les clous de la loi. Ainsi, le premier niveau de cette réponse consiste à envoyer un courrier électronique, en guise de « simple rappel à la loi« . Le second palier se veut plus menaçant, avec l’envoi d’un courrier recommandé. La troisième étape, la plus sévère, permet la suspension de l’accès à Internet du propriétaire de la ligne.
Jusqu’à présent, les effets de la riposte graduée ont surtout été analysés à travers le cas de l’internaute. Mais qu’en est-il des lieux publics offrant une connexion à Internet ? Les sanctions peuvent-elles également s’appliquer sur des bibliothèques, des universités, des cafés ou des restaurants proposant un accès WiFi ? À cette question, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a répondu par l’affirmative dans le cas des bibliothèques.
Repéré par Calimaq sur Twitter, le bulletin des bibliothèques de France du mois de mars dernier revient sur les obligations pour les bibliothèques mettant à disposition un accès à Internet. Dans les conclusions, il est indiqué que « les obligations issues du Code des postes et des communications électroniques et de la loi ‘informatique et libertés’ engagent la responsabilité des organismes mettant à disposition du public un accès à Internet« .
« La loi Hadopi I engage également la responsabilité des titulaires des abonnements Internet – en l’occurrence les bibliothèques – en cas de téléchargement illicite d’œuvres protégées à partir du réseau mis à la disposition du public, uniquement si cet accès n’a pas été sécurisé« . Autrement dit, les bibliothèques ne sont responsables que si un manquement à l’obligation de sécurisation de la connexion est constaté.
Est-ce à dire que dans le cas contraire, les bibliothèques pourront perdre leur accès à Internet ? Rien n’est moins sûr, au regard de l’article L335-7-2 du Code de la propriété intellectuelle. Celui-ci expose que « pour prononcer la peine de suspension prévue aux articles L335-7 et L333-7-1 et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l’infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l’activité professionnelle ou sociale de celui-ci, ainsi que sa situation socio-économique« .
« La durée de la peine prononcée doit concilier la protection des droits de la propriété intellectuelle et le respect du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile » est-il encore expliqué. Autrement dit, si les juges sont amenés à se prononcer sur une éventuelle sanction de suspension de l’accès à Internet, ils devront prendre en compte le fait que c’est une bibliothèque.
Il faudrait vraiment que les circonstances soient exceptionnelles pour qu’une telle décision soit prise par un tribunal. Le risque théorique existe, mais en pratique les juges devraient éviter d’en arriver à une telle extrémité. Cette question s’était déjà posée en 2008, lorsque Christine Albanel était encore ministre de la culture. Elle avait alors reconnu que la loi n’allait pas épargner les lieux publics proposant un accès à Internet.
L’absence d’amnistie pour les lieux publics est évidemment regrettable, dans la mesure où cela freine le développement des accès à Internet gratuits proposés par des collectivités locales ou par des sociétés. Les maires sont forcément moins disposés à mettre en place un tel accès si la riposte graduée est prête à frapper pour empêcher l’utilisation de la connexion à des fins de piratage.
Ce problème ne se limite d’ailleurs pas qu’à la France. En Nouvelle-Zélande, où une législation anti-piratage calquée sur la Hadopi a été récemment adoptée, les bibliothèques songent à couper leur accès à Internet afin d’éviter d’être pris pour cible. Pour contourner cette difficulté, les lieux publics proposant du WiFi pourraient être tentés de mettre en place une liste blanche de sites autorisés… ce qui ne sera pas une avancée pour la société néo-zélandaise.
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