Il est parfois compliqué d’être une entreprise de portée mondiale, surtout lorsque l’on propose un service qui propose de dépeindre le monde réel. En lançant il y a douze ans son outil de cartographie en ligne, Maps, Google ne se doutait peut-être pas des controverses sporadiques qu’il allait provoquer, en ne mentionnant pas un territoire ou en optant pour tel nom plutôt que tel autre pour désigner un lieu.
C’est que le monde réel que cherche à montrer Google avec Maps est loin d’avoir des contours fixes et approuvés par tout le monde.
De la Palestine à la Crimée, en passant par les îles Senkaku en mer de Chine orientale et les îles Malouines dans l’Atlantique du Sud, il existe dans le monde de nombreux litiges frontaliers non résolus. Parfois, ce sont les dénominations qui sont contestées, comme la mer du Japon appelée ainsi au pays du Soleil levant, tandis que son voisin coréen préfère la désigner comme étant la mer de l’Est.
Et c’est ce réel qui vient de heurter de plein fouet Google. La firme de Mountain View est accusée de prendre parti dans l’interminable conflit israélo-palestinien en choisissant de ne pas afficher les noms de « Palestine » ou « Territoires palestiniens », alors que celui de son voisin, Israël, est bien présent, tout comme les autres pays de la région. Même la Syrie est indiquée, malgré sa fragmentation.
Selon nos constatations, seule la bande de Gaza est indiquée sur Google Maps, quel que soit le niveau de zoom que l’on choisit. Le site renseigne néanmoins l’existence du pays dans un panneau latéral sur la gauche de l’écran avec diverses informations (capitale, président, population, bref descriptif…) et des outils pour exploiter la carte (établir un itinéraire, faire une recherche à proximité…)
D’après Google, la Palestine n’existe pas
Une pétition est même apparue sur Change.org pour dénoncer ce qui est interprété par les signataires — plus de 263 000 à l’heure où nous écrivons ces lignes — comme un choix idéologique du géant américain. « D’après Google, la Palestine n’existe pas » dénonce le créateur de la pétition, qui ne mâche pas ses mots contre la firme. « Que ce soit intentionnel ou non, Google se fait lui-même complice du nettoyage ethnique en Palestine par le gouvernement israélien »
« L’omission de la Palestine est une grave insulte pour le peuple de Palestine et mine les efforts de millions de personnes qui sont engagées dans la compagne pour obtenir la liberté et l’indépendance de la Palestine face à l’occupation et l’oppression israélienne », continue la pétition, qui demande à Google de reconnaître la Palestine sur Google Maps et de désigner très précisément les territoires palestiniens occupés illégalement par Israël.
Interrogé ce mercredi par Numerama, un porte-parole de Google précise qu’il « n’y jamais eu de mention Palestine sur Google Maps ». Cela étant dit, l’affaire a mis au jour la découverte « d’un bug à l’origine du retrait des mentions Cisjordanie et Bande de Gaza », poursuit la société américaine. Un correctif est en cours d’écriture pour « remettre rapidement ces indications sur la carte ».
Quant à savoir s’il convient de remplacer les désignations de Bande de Gaza et de Cisjordanie par des mentions plus explicites pour les Palestiniens, comme Palestine ou Territoires palestiniens, l’entreprise américaine a botté en touche en s’abstenant de dire quoi que ce soit sur le sujet. Par ailleurs, il paraît hautement improbable de voir un jour une quelconque indication à propos de l’occupation en cours.
Il faut dire que la société marche sur des œufs.
En 2013, Google a mis à jour ses services, en décidant de parler de la Palestine et non plus des Territoires palestiniens. Le moteur de recherche avait justifié ce changement par le vote de 2012 qui a reconnu le pays comme un État observateur non membre de l’ONU. La décision, forcément saluée par les Palestiniens, avait été vivement critiquée par les Israéliens.
À l’époque, Le groupe a rappelé qu’il ne lui appartenait pas de choisir le nom qu’il convient de prendre. Pour nommer les pays, Google consulte « une série de sources et d’autorités. Dans ce cas, nous suivons l’ONU, la société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, l’organisation internationale de normalisation et d’autres organisations internationales ».
Ménager la chèvre et le chou
Mais il lui arrive aussi de ménager la chèvre et le chou. « Google est une entreprise ! En fait, elle essaie simplement de satisfaire un maximum de ses clients », explique Anat Ben David, sociologue à l’université ouverte d’Israël, spécialiste du conflit israélo-palestinien sur Internet, citée par RFI. Ce souci de ménager les susceptibilités a été aperçu dans le cas de la Crimée.
Ne sachant pas s’il fallait encore attacher la Crimée à l’Ukraine ou bien l’associer à la Russie, Google a décidé de faire deux versions de Google maps : la première, destinée aux utilisateurs Russes, montre une Crimée rattachée au Kremlin, alors que la seconde, qui est pour les Ukrainiens, montre la péninsule liée à Kiev. Au risque de montrer deux histoires différentes.
Les outils de Google Maps intègrent d’ailleurs ces problématiques. Dans ses pages d’aide à propos de la compréhension des frontières et noms de pays, on peut lire que l’usage d’une ligne grise discontinue représente une frontière contestée. Celle-ci apparaît aussi bien pour la Palestine et Israël que pour la Crimée. Le groupe s’est aussi fendu de quelques billets de blog, notamment en 2008 et 2009, pour préciser sa politique
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