Sur Twitter, le droit d’informer sera désormais respecté tant que les droits d’auteur des diffuseurs officiels des compétitions sportives seront eux-mêmes respectés à la lettre. Toute entrave peut condamner définitivement au silence.

Peut-être parce qu’il est lui-même en course pour l’achat de droits sportifs et qu’il doit donc se montrer exemplaire auprès des fédérations, Twitter avait prévenu avant les Jeux Olympiques qu’il se montrerait inflexible avec les utilisateurs qui publieraient des images de Rio 2016 sans en avoir les droits. Le Comité international olympique (CIO) ayant demandé l’interdiction des GIF animés sur les comptes des organes de presse, le réseau social s’est assuré de faire respecter l’exigence à la lettre.

Trop, sans doute. Ainsi le 11 août dernier, le compte @B3Zero animé par le journaliste William Reymond a été suspendu, parce qu’il avait osé publier un seul GIF animé, qui s’amusait de la danse de joie de l’haltérophile Nijat Rahimov. Or seule France Télévisions dispose en France du droit de diffuser de telles images sur Internet :

Trois jours plus tard, sans aucune explication précise, Twitter a indiqué à Reymond que son compte @B3Zero, qui était suivi par environ 40 000 internautes, était suspendu définitivement. Un seul tweet en dehors des règles draconiennes de protection des droits d’auteur, et c’est #TheEnd après deux ans de publications d’informations chaudes régulièrement retweetées par des milliers d’utilisateurs.

Il faut noter que le journaliste était en récidive, puisque le compte Twitter @B3Zero avait déjà été suspendu provisoirement par Twitter en juin dernier, lors de l’Euro 2016. Cette fois-ci, c’était l’UEFA qui s’était plainte de la diffusion d’une image par un média qui n’en avait pas acheté les droits.

Mais quand bien même y aurait-il récidive, la réaction de Twitter est très clairement disproportionnée et inadmissible. On ne peut pas ainsi priver un média de diffuser des informations auprès de dizaines de milliers d’internautes, qui eux-mêmes les relaient auprès de leurs contacts, et ainsi de suite, au prétexte qu’un ou deux tweets contenaient une séquence de quelques secondes tirées d’un événement sportif.

C’est une décision moralement et démocratiquement inacceptable

C’est non seulement totalement rétrograde à l’ère des réseaux sociaux qui exigent au contraire d’assurer un maximum de visibilité à l’événement, y compris par des GIF animés (ce qui explique peut-être en partie la chute d’audience des Jeux Olympiques cette année aux USA chez les jeunes spectateurs…). C’est surtout inacceptable sur un plan démocratique.

Twitter est une plateforme pour l’expression. Des gens, des millions de gens, s’y expriment, et d’autres écoutent. Être totalement et définitivement privé du droit de s’y exprimer à cause d’un tweet qui ne respecte pas formellement le droit d’exclusivité accordé à une personne (fut-elle une personne morale, comme France Télévisions) est moralement et démocratiquement inacceptable. La loi ne l’exige pas, mais impose uniquement de supprimer les messages en cause.

Une pétition, mais pas la bonne argumentation ?

Le réseau social a donc démontré que dans ses valeurs, celle de l’argent était devenue plus importante que celle de la libre expression de ses utilisateurs. Twitter, c’était d’abord la liberté de s’exprimer, qui apportait un business model. Désormais, c’est le business model qui dicte ce que les utilisateurs ont le droit ou non de dire, avec la menace de la guillotine virtuelle. C’est une erreur fondamentale, qui explique que William Reymond continue, dix jours plus tard, à recevoir de nombreux soutiens.

Un site internet, SoutienB3Zero, a ainsi été monté pour exprimer le dégoût et exiger de Twitter qu’il revienne sur sa décision. Pas forcément avec les meilleurs arguments, puisqu’il se plaint surtout, non pas de la disproportion de la censure elle-même, mais du deux poids deux mesures qui existerait sur le réseau social. « Le pire dans tout ça ? Allez jeter un coup d’oeil sur le réseau à l’oiseau bleu. Vous verrez des dizaines et des dizaines de cinglés qui ont des comptes pro-Hitler, terroristes, islamophobes, homophobes, christianophobes, violents, incitant à la haine raciale, pédophiles, pornographiques… », peut-on ainsi lire sur le site. Cette anomalie est aussi relayée par le hashtag #ModereCommeTwitter, qui dénonce l’impunité donnée à des tweets beaucoup plus choquants qu’un GIF diffusé sans droits.

Ces soutiens ont créé une pétition, qui rassemble un peu plus de 900 signataires au moment où nous rédigeons ces lignes.

 

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