Alors que les caméras de surveillance sont désormais largement implantées au niveau du sol dans les villes, c’est depuis les airs que la surveillance de la population commence à s’étendre, pour tenter de garantir toujours plus de sécurité au détriment de la vie privée. L’agence Bloomberg a ainsi publié cette semaine un reportage long et passionnant sur le recours à la vidéosurveillance aérienne par la police de Baltimore, dont la justice a dénoncé il y a quelques jours les nombreux abus, plus d’un an après la mort de Freddie Gray qui avait vu l’émergence du mouvement antiraciste Black Lives Matter.
Bloomberg raconte qu’une entreprise privée fondée par un ancien ingénieur de l’US Air Force, Persistent Surveillance Systems (PSS) est mandatée par la police de Baltimore pour survoler la ville jusqu’à 10 heures par jour, avec un avion Cessna suréquipé de matériel de surveillance. L’aéronef vole à une altitude de 8 500 pieds (environ 2,6 km de haut), ce qui le rend quasiment invisible à qui ne prête pas attention au ciel, dissimulé à hauteur des nuages.
Persistent Surveillance Systems n’est pas directement payé par la police, mais par un fonds caritatif
Les premières versions de l’engin avaient été inventées en 2006 à la demande de l’armée américaine, pour obtenir des images des adversaires irakiens qui posaient des bombes, et savoir où aller les arrêter. L’avion permettait de survoler Fallujah ou d’autres villes irakiennes, de tout filmer, et de revenir consulter les enregistrements lorsqu’une explosion se produisait, en voyant grossièrement d’où la personne qui avait posé la bombe venait, et quelles étaient ses éventuelles connexions, en remontant tout son parcours.
Aujourd’hui l’avion qui survole Baltimore est équipé de multiples caméras à très haute résolution (192 gigapixels au total) et d’ordinateurs qui permettent de filmer discrètement une énorme zone de 50 kilomètres carrés, avec une résolution qui permet d’avoir un pixel par individu. Les images sont enregistrées et archivées pour permettre leur consultation a posteriori, ou des images zoomées peuvent être retransmises en direct au sol.
Gardé secret par la police
Comme dans les films et les séries TV, mais cette fois bien dans la réalité, les policiers sont alors en mesure de pointer un individu qui quitte son domicile et de le suivre partout à travers la ville, en le traquant sans même qu’il en ait conscience. On ne sait pas si le système est déterminant pour réussir des enquêtes, mais il a au moins permis d’en accélérer certaines.
Jamais à une polémique près, la police de Baltimore a gardé le système secret (y compris lorsqu’il l’a exploité dans des procédures judiciaires), et il n’apparaît même pas dans les comptes. Pour une raison simple. Persistent Surveillance Systems n’est pas directement payé par la police, mais par un fonds caritatif géré par la police, qui a reçu un très généreux don de quelques millions de dollars de la part de philanthropes texans, Laura et John Arnold, ce dernier étant un ancien trader de la banque Enron qui a fait fortune avec son hedge fund Centaurus Advisors. C’est lui qui a été voir PSS et qui a expliqué qu’il paierait si la société trouvait une municipalité qui accepterait que le Cessna survole la ville pendant des mois.
Pour sa défense, PSS assure respecter le droit à la vie privée, en expliquant par exemple qu’il n’ira jamais plus loin qu’une résolution de 1 pixel par personne, et qu’absolument tout ce que font ses analystes est archivé pour sanctionner les abus. Mais comme le note Bloomberg, d’autres entreprises sont déjà sur les rangs, et la concurrence se fera certainement sur qui acceptera d’aller le plus loin dans les velléités naturelles de la police, qui a intérêt à des technologies toujours plus intrusives, pour se donner le maximum de chances de succès dans ses enquêtes.
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