C’est avec une grande discrétion que le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a relancé le 16 juin dernier les travaux du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA), qui ne s’était plus réuni depuis juillet 2008. Il aura fallu attendre dix jours pour que le ministère en fasse part dans un communiqué. Or cette reprise est tout sauf anecdotique, surtout lorsque l’on lit le discours de Frédéric Mitterrand. Alors que le CSPLA créé en 2001 sous le gouvernement Jospin est censé réfléchir aux évolutions du droit d’auteur, le ministre est clairement venu présider la séance de reprise pour s’assurer personnellement que le Conseil ne cède pas aux demandes croissantes de réflexion sur une remise en cause de certains principes du droit d’auteur. L’axe prioritaire doit rester la rémunération des artistes, pas l’accès à la culture.
Le ministre s’exprimait en présence de Marie-Françoise Marais, la présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). « Soyez une nouvelle fois assurée du plein et entier soutien du gouvernement à l’action déterminante que vous conduisez« , lui a confié Frédéric Mitterrand, qui avait déjà rendu visite à l’Hadopi pour faire oublier les propos incompris de Nicolas Sarkozy. Il a estimé que la riposte graduée était « très loin de l’échec annoncé par certains et de la catastrophe technologique promise« . Il a par ailleurs reconnu en propos liminaire que si le CSPLA ne s’était plus réuni depuis 2008, c’est parce que la loi Hadopi « a beaucoup absorbé les forces de ce ministère« . Il n’est donc pas question de revenir en arrière.
« La capacité d’adaptation du droit d’auteur aux enjeux numériques est avérée »
Pas question non plus d’envisager des travaux sur une remise en question de certains aspects du droit d’auteur, qui sont de plus en plus difficiles à justifier dans l’univers numérique. Alors que l’Irlande réfléchit à assouplir le droit d’auteur pour relancer l’économie, que la Grande-Bretagne se pose également des questions, que des entreprises comme Google expliquent que l’absence d’un « fair use » limite l’innovation en France… Frédéric Mitterrand reste figé droit dans ses bottes. S’il reconnaît que ces « débats, souvent vifs, sont alimentés par des appels, parfois incantatoires, parfois plus argumentés, à la modernisation du droit d’auteur« , il en rejette l’opportunité.
« Les grands acteurs du web font reposer une part croissante de leur modèle économique sur des contenus protégés par le droit d’auteur. Ces évolutions démontrent que le droit d’auteur n’est aucunement un obstacle à la diffusion numérique des œuvres« , a-t-il assuré dans son discours. Selon lui, le développement de l’offre légale démontre que « la capacité d’adaptation du droit d’auteur aux enjeux numériques est avérée« , et le ministre s’est dit « convaincu que leur pertinence et leur vitalité demeurent intactes« .
Il a rappelé que c’était le sens de l’intervention de Nicolas Sarkozy lors du G8 et de l’eG8 qui l’a précédé, et « c’est dans cet esprit que j’entends aborder le sommet culturel, centré sur le thème du droit d’auteur, que j’organiserai en Avignon les 17 et 18 novembre prochain dans le cadre de la présidence française du G8 / G20« , a fait savoir Frédéric Mitterrand. Objectif : remettre en cause l’immunité des intermédiaires techniques (FAI et hébergeurs), comme vient de le faire l’OCDE. « Ce sera l’occasion de faire progresser le sens d’une responsabilité partagée des acteurs de la culture et de l’internet en matière de soutien à l’écosystème de la création« , a-t-il en effet expliqué.
Pour le ministre de la Culture, les débats sur les fondements du droit d’auteur et son assouplissement sont donc de pure forme, totalement accessoires, et donc sans intérêt. « Par delà les débats théoriques sur le droit d’auteur, le CSPLA a de mon point de vue vocation à se concentrer sur ce qui fait réellement débat, à savoir les mécanismes et procédures propres à protéger et faire vivre aujourd’hui le droit d’auteur« , a t-il sommé, pour remettre le Conseil sur les rails de la rémunération des auteurs, avant toute autre préoccupation.
Il a d’ailleurs demandé au CSPLA d’ouvrir « une réflexion sur les enjeux, encore mal identifiés, liés à » l’informatique en nuage » – le » cloud computing » -, au regard notamment du droit d’auteur« . Ce qui devrait aboutir, nous en prenons le pari, à l’idée d’une taxation des services d’hébergement à distance, actuellement non assujettis à la redevance pour copie privée. Et/ou à une obligation de surveiller les contenus hébergés, pour supprimer automatiquement les contenus non acquis légalement.
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