C’est la polémique du week-end : des détenus ont pu regarder des films et jouer à des jeux vidéo avec des tablettes Samsung. Sauf que ce n’était pas du tout l’usage qui était prévu à la base. Tant et si bien que comme le révèle Le Figaro, le ministre de la Justice Gérarld Darmanin a demandé à l’administration pénitentiaire un moratoire et un audit là-dessus. Ce qui fait que les fonds restants du programme sont gelés. Mais à quoi servent ces tablettes ?
Des tablettes dans les cellules de prison pour les détenus
Initié par Nicole Belloubet en 2018 alors qu’elle était Garde des Sceaux, le programme « Numérique en détention » prévoyait d’installer des tablettes Samsung dans les prisons, une par cellule. Fixées au mur dans des « sarcophages inviolables » et reliée au réseau de la prison par des câbles Ethernet, elles aident les détenus et alléger la charge de travail du personnel pénitentiaire. Le Figaro donne quelques exemples : « rédaction du courrier, gestion de leur planning de parloir », cantine, actualités de la prison, etc.

Par exemple, les détenus peuvent consulter le montant de leur compte automatiquement, sans devoir demander à un agent pénitentiaire et même passer commande, pour la cantine par exemple. Et s’il faut saisir l’administration, pas besoin d’utiliser des bons papiers qui peuvent se perdre.

Quant au réseau, impossible en théorie d’accéder à Internet : les tablettes sont uniquement reliées à un réseau sécurisé, interne. Jusqu’à maintenant, c’étaient 22 740 détenus qui peuvent les utiliser. À terme, il prévoyait d’équiper plus de 70 000 d’entre eux et aider plus de 28 000 travailleurs de l’administration. Le tout dans un programme évalué à 125 millions d’euros, dont 60 millions ont déjà été dépensés. Si le programme a été annoncé en 2018, sa généralisation n’avait débuté qu’en 2024, comme le faisait remarquer l’Observatoire Internationale des Prisons.
Un usage détourné de ces tablettes : films, jeux vidéo, messages
Le problème, c’est que certains des prisonniers ont réussi à décrocher ces tablettes de leur « sarcophage », et à se connecter à un réseau Internet. Auprès du Figaro toujours, un détenu explique qu’il fallait réinitialiser la tablette, ce qu’on peut faire en appuyant sur le bouton d’alimentation et le bouton de volume pendant plusieurs secondes. Une manipulation assez connue et qui surtout ne demande aucune compétence technique.
Il suffit ensuite d’avoir un téléphone portable avec un forfait mobile pour créer un partage de connexion depuis le téléphone vers la tablette. Sauf qu’en théorie, les cartes SIM et les téléphones portables sont interdits dans les prisons : 20% des détenus en disposeraient. Ainsi, le problème de sécurité ne date pas des tablettes, mais d’avant.
Ce que nous apprennent ces vidéos sur les tablettes dans les prisons
Si l’on sait tout ça, c’est parce que des détenus se sont vantés sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, d’avoir pu détourner ces appareils. Du côté du ministère de la Justice, aucun signalement n’a été remonté concernant des détériorations ou des détournements. Pour l’instant, seul « rotation_59 » sur TikTok a publié des vidéos par rapport à ces tablettes détournées ; CheckNews dit avoir identifié une seconde vidéo montrant cela. Cet utilisateur « vend » d’ailleurs la méthode pour débloquer ces tablettes Samsung contre cinquante euros, le tout en quinze minutes. Ce détenu dit avoir vendu cette méthode à une soixantaine de co-détenus.
Grâce aux nombreuses vidéos publiées par cet utilisateur, on se rend compte que le sarcophage peut être détaché du mur et que le câble peut être retiré. Dans ce sarcophage, au dos de la tablette, est fixé un petit hub USB-C, auquel est relié un câble Ethernet ainsi qu’un câble d’alimentation. Quant au modèle, il s’agirait d’une Samsung Galaxy Tab A8, tablette d’entrée de gamme sortie en 2021 sortie à partir de 249 euros en France.
125 millions d’euros dépensés dans un détournement massif des tablettes ?
Au regard du coût de ces équipements et du manque de sécurité dans les prisons, cette erreur fait polémiquer, y compris autour de l’usage de fonds publics. D’autant plus à une heure où l’administration pénitentiaire manque de moyens, où les prisons sont surpeuplées et où beaucoup sont insalubres. Par ailleurs, le syndicat FO Justice Grand Est a indiqué à Libération avoir « alerté sur les risques de détournement et les failles de sécurité ». Néanmoins, les tablettes n’ont pas coûté plusieurs milliers d’euros à l’unité : les 25 000 unités déployées ne représentent pas la totalité du programme Numérique et détention. Cela comprend aussi toutes les étapes de dématérialisation du fonctionnement des cellules, comme le fait remarquer CheckNews.

Il y en aurait eu quelques unes, mais pas énormément. La raison : « trois quarts des tablettes installées ne fonctionnaient pas correctement ». De plus, dans les commentaires de ces vidéos TikTok, des utilisateurs indiquent qu’un mot de passe est nécessaire pour finaliser la réinitialisation. Ainsi, difficile de s’accorder sur un détournement massif de ces tablettes dans les prisons. A fortiori, les surveillants peuvent rapidement constater si un sarcophage a été retiré.
Les syndicats du personnel pénitentiaire espèrent donc que le programme sera maintenu : les fonctionnalités de ce système permettent d’alléger leur charge de travail tout en participant à une réinsertion des détenus.
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