A notre connaissance il n’existe aucune jurisprudence sur le sujet en France. Mais elle arrivera nécessairement un jour. En attendant, la Cour Suprême des Pays-Bas pourrait fixer la direction à suivre en matière de vols d’objets virtuels. La plus haute juridiction néerlandaise va en effet décider dans les prochains jours si le fait de se faire transférer de force des objets virtuels d’un jeu vidéo peut être considéré comme un vol au sens de la loi pénale, et donc si le délit peut être sanctionné comme le vol d’un objet matériel.
L’affaire jugée remonte à 2008. Munis d’un couteau pour l’impressionner et le menacer, deux adolescents de 14 et 15 ans avaient obligé un camarade de classe de 13 ans à transférer un masque et une amulette d’un compte à l’autre du jeu massivement multijoueurs Runescape. En première instance, les deux jeunes gens avaient été condamnés à des travaux d’intérêt général et à une peine d’emprisonnement avec sursis. Le tribunal avait retenu les chefs d’accusation liés à la violence physique employée, et avait qualifié le transfert des objets virtuels de « vol ». Un jugement confirmé en appel.
Selon Future of Copyright, l’avocat des deux condamnés demande à la Cour Suprême de confirmer que les biens virtuels peuvent être volés au sens du code pénal néerlandais. L’Avocat Général qui a traité l’affaire devant la Cour d’appel a écrit aux juges suprêmes pour leur conseiller de répondre par l’affirmative, expliquant que « les objets virtuels représentent une valeur économique à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du jeu« , et qu’ils sont « également individuellement distinguables et transférables« .
En France, l’article L311-1 du code pénal dispose que « le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui« . Pour que le vol d’objets virtuels sur un jeu vidéo soit reconnu comme un vol au sens du code pénal, trois conditions doivent donc réunies :
- Une soustraction frauduleuse : La soustraction est réalisée dès lors que celui à qui est volé le bien ne peut plus en jouir, et qu’il n’y pas destruction du bien. Ce qui semble bien le cas des objets virtuels transférés d’un compte à l’autre. Par ailleurs le caractère frauduleux se vérifie soit par l’usage de la violence, soit par l’usage de techniques comme le piratage qui permettent d’éviter d’avoir à demander l’accord du propriétaire du bien.
- D’une chose : Un bien virtuel est-il « une chose » au même titre qu’un bien matériel ? C’est la question posée aux Pays-Bas. En France, la « chose » semble désigner un ensemble très large de biens, comme en témoigne par exemple la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 qui parle des « objets et choses ». En revanche, le législateur a jugé utile de parler spécifiquement de « soustraction frauduleuse d’énergie » pour désigner le vol d’un bien volatile comme l’électricité.
- D’autrui : C’est la dernière difficulté. Un bien virtuel placé dans le compte virtuel d’un joueur est-il une chose qui lui appartient, alors qu’il est simplement concédé sous licence, et qu’il en perd la jouissance dès qu’il arrête son abonnement ? Contrairement à un bien physique que l’on achète au supermarché, le bien virtuel n’est pas acheté mais loué, pour une durée souvent indéterminée. Second Life avait donné lieu à un procès sur la propriété réelle des terres de l’univers virtuel.
Et vous, pensez-vous que le vol de biens virtuels devrait être puni comme le vol des objets physiques ?
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