L’ancien ministre Jacques Godfrain, auteur de loi de 1988 sur la fraude informatique, a co-signé un manifeste (.pdf) de 13 pages appelant à la création d’une Haute Autorité du Net en France. Le texte est également signé par Jean-Pierre Bigot, expert judiciaire près la Cour d’Appel de Versailles, Carole Vujasinovic, juge d’instruction au pôle financier du TGI de Paris, et par l’avocat Gérard Haas, cofondateur de l’association Cyberlex. Il a de quoi faire hurler, puisqu’il vise sous couvert de protection des droits et de la neutralité du net à créer une autorité administrative indépendante qui aura une compétence générale de blocage des sites internet.
« La neutralité du Net et la liberté de circulation des informations et des idées ne signifie pas pour autant absence de régulation. Ce domaine, à l’instar de tout autre, doit respecter les principes généraux de notre législation« , expliquent les auteurs.
La Haute Autorité du Net, telle qu’ils la conçoivent, aura pour mission de « veiller au respect par tous les opérateurs du principe de la neutralité du Net, et à un usage des techniques de gestion du trafic modéré, proportionné et justifié par les exigences de fluidité des flux« , et de « veiller à la garantie d’un accès égalitaire au Net« . Mais surtout, il s’agirait d’une autorité administrative « en charge du contrôle et de la régulation d’internet ayant pouvoir d’injonction et pouvoir de sanction, c’est-à-dire de décision de blocage« . Un pouvoir qui « s’impose pour lutter contre le cybercrime et les infractions d’atteinte aux personnes« .
Répondant aux demandes croissantes d’une procédure unique de blocage, la Haute Autorité du Net aurait vocation à répondre « à la nécessaire coordination vis-à-vis des fournisseurs d’accès à internet (FAI), de l’ensemble des décisions de blocage ; sites pédophiles à la demande de l’OCRVP et de l’OCLCTIC, sites de jeux illégaux à la demande de l’ARJEL, et à terme, les sites de téléchargement à la demande de l’HADOPI« . Point d’intervention du juge dans le processus, contrairement à ce que demande désormais l’UMP, dans son programme numérique pour 2012.
Les signataires n’ont peur d’aucun tabou, y compris celui du filtrage par DPI (Deep Packet Inspection), pourtant attentatoire à la vie privée. « L’autorité indépendante devrait être autorisée à bloquer certains sites et contenus définis par » catégories d’infractions « , correspondant à des délits flagrants dont la qualification est univoque (escroquerie ou » phishing « , contrefaçons de médicaments, par exemple.. ), avec élargissement au blocage des contenus de façon générique, et non limitée à des sites désignés par leur nom de domaine ou leur adresse, de sorte que des contenus ne puissent réapparaitre sans cesse sous d’autres formes« .
Le manifeste identifie trois catégories très larges d’infractions qui nécessiteraient des mesures de blocage :
- Les escroqueries et contrefaçons (phishing, fraudes, chantage, vente de contrefaçons, virus, escroqueries financières, jeux d’argent illégaux…) ;
- Les atteintes aux personnes et aux mineurs (pédopornographie, usurpation d’identité, atteinte à la vie privée, dénonciations calomnieuses…) ;
- Les infractions « de presse » (provocation à la haine, apologie de crime, injures, diffamation…).
Sur cette dernière catégorie, le texte sent bien la ligne rouge franchie. « Ces infractions imposent la prudence tant la frontière séparant une infraction de l’usage de la liberté d’expression et d’information, le propos répréhensible de l’expression d’une opinion, est parfois ténu. Elle justifie l’indépendance de la haute autorité et la saisine éventuelle de l’autorité judiciaire« , écrivent-ils.
L’idée sera-t-elle reprise par le gouvernement ou des parlementaires ? Personne, en tout cas, ne devrait s’y risquer avant les prochaines élections…
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