Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a publié dans Le Monde son « plaidoyer pour une politique culturelle du 21ème siècle« , dans lequel il s’oppose aux propositions de Martine Aubry. Comme il l’a fait sur Europe 1 la semaine dernière, le ministre a défendu la loi Hadopi au nom d’une seul et unique argument : « même les Etats-Unis mettent en place une procédure similaire pour lutter contre le piratage et assurer la défense des droits des créateurs« . Ce qui est à la fois inexact, puisque la réponse graduée américaine est beaucoup moins drastique que la française, et insuffisant. Est-ce parce que les Etats-Unis connaissent la peine de mort qu’il faut renoncer à l’abolir en France ? Lorsque l’on met en place une machine à envoyer des centaines de milliers d’avertissements (de menaces) aux citoyens, la moindre des choses est d’avoir une argumentation un peu plus musclée…
Ce serait d’autant plus intéressant de la connaître que Frédéric Mitterrand, dans la même tribune, dit que son action se fonde sur l’objectif « d’assurer l’accès du plus grand nombre aux œuvres de l’esprit, quelle qu’en soit la forme, la préservation et la valorisation de nos patrimoines, l’élargissement des publics, en d’autres termes la démocratisation culturelle« . Or il n’y a rien de plus efficace pour la démocratisation culturelle et l’accès du plus grand nombre aux œuvres que de faire que chacun puisse librement les partager et les consulter, sans risque de suspension de l’accès à internet. L’Hadopi protège une culture payante, qui divise entre ceux qui peuvent se permettre de dépenser pour se cultiver, et ceux qui doivent se contenter d’offres gratuites bridées, ou qui doivent se mettre hors la loi pour écouter de la musique ou regarder des films.
« Il manque une vision des exigences qui dessinent l’horizon de l’action culturelle de la France en Europe pour les années à venir« , dénonce Frédéric Mitterrand au sujet du programme socialiste.
Sa politique culturelle : des taxes sans contrepartie pour les internautes
Le ministre souhaite un « accompagnement de la « révolution numérique » qui devient un filtre à travers lequel de plus en plus d’internautes, toutes générations confondues, accèdent à la culture et au savoir ». Il serait temps qu’un conseiller lui dise qu’avec internet, le citoyen n’a plus simplement « accès » à la culture et au savoir, mais il participe directement à sa création et à sa diffusion à travers les Dailymotion, Flickr, Wikipedia, eMule, BitTorrent, Facebook, Jamendo, et compagnie. Ca lui ferait peut-être prendre conscience d’à quel point sa « politique culturelle » sur Internet repose sur une vision passéiste de la culture, qui n’est plus celle adaptée au 21ème siècle.
Lorsqu’il parle d’internet, c’est uniquement sous l’angle des taxes, de la « participation des diffuseurs de contenus culturels que sont devenus les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile au financement de la création« . Il cite en exemple la taxe Cosip, versée par les FAI au bénéfice du cinéma, et confirme que « d’autres chantiers sont devant nous, dans le domaine des industries musicales« , comme le prévoit une mission confiée notamment à Frank Riester.
C’est pourtant le même ministre qui, sur Europe 1, à propos de la proposition de licence légale à 2 euros par mois que propose Martine Aubry pour légaliser le partage de musique, roulait des yeux pour dire « des taxes, encore des taxes ».
Il faudrait savoir, monsieur le ministre.
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