Une étude américaine vient battre en brèche les croyances de l’industrie du divertissement. Selon ses auteurs, le piratage a un effet positif sur la qualité de l’offre légale puisqu’il pousse les ayants droit à proposer au moins des contenus dont la qualité est similaire à celle qui est disponible sur les réseaux P2P.

Face au piratage des œuvres culturelles sur Internet, la meilleure arme des ayants droit n’est pas le bâton mais la carotte. C’est par le développement d’une offre légale de qualité, accessible et variée que le téléchargement illicite pourra se réduire. C’est par la valeur ajoutée offerte par le service que le consommateur acceptera de sortir son porte-monnaie plutôt que de se rendre sur RapidShare, MegaUpload, eMule ou BitTorrent.

Cette analyse n’est évidemment pas partagée par les ayants droit, ou du moins pas immédiatement, qui ont opté depuis de nombreuses années pour le maniement du bâton. À force de pression sur les gouvernements, l’industrie culturelle a fini par obtenir des changements législatifs conséquents dans de nombreux pays du monde. Le cas le plus emblématique est sans doute la France, qui a accouché de la loi Hadopi en 2009.

HBO et Valve innovent face au piratage

Une récente étude conduite par deux professeurs, Debabrata Dey et Atanu Lahiri, de l’école de commerce rattachée à l’université de Washington, vient pourtant battre en brèche la tactique choisie par les ayants droit. Dans leur papier baptisé « l’effet du piratage sur la qualité des biens immatériels », ils mettent en lumière le rôle apparemment bénéfique du piratage sur la qualité des produits.

Le document, cité par Techdirt, évoque par exemple la politique de HBO, une chaîne américaine à péage. Face à un taux de piratage élevé, estimé entre 30 et 50 %, HBO a répliqué en livrant de nouveaux contenus en haute qualité dans différentes langues européennes. De nouveaux contenus sont disponibles à travers les canaux de télévision par câble ainsi que par ses nouveaux canaux de distribution de télévision sur IP.

Une stratégie qui paie. Selon l’enquête des deux professeurs, les offres innovantes de HBO ont non seulement réduit le taux de piratage mais aussi attiré de nouveaux abonnés. Même constat avec Valve, un studio américain spécialisé dans les jeux vidéo. Celui-ci a régulièrement apporté des améliorations pour l’un de ses titres phares, Team Fortress 2, poussant de nombreux joueurs à revenir dans la légalité.

Le cas des verrous numériques

Par certains aspects, les DRM font écho à cette étude. Les ayants droit ne parvenant pas à enregistrer des résultats tangibles et durable sur le front de la lutte anti-piratage, malgré des coups de bâton de plus en plus forts, ils se sont résolus à changer de tactique. Les verrous numériques ont progressivement disparu des boutiques de musique numérique.

Alors patron de la FNAC, Denis Olivennes avait reconnu que l’abandon des DRM avait eu un impact favorable sur les ventes. Idem chez EMI. L’absence des DRM n’a pas affecté les ventes de musique même lorsque le prix des singles a augmenté de 30 %. Même chose sur une autre boutique numérique, 7 Digital, qui a vu son chiffre d’affaires croître de 188 % depuis l’abandon des DRM.

Ce n’est pas en proposant des produits de qualité moindre sur les plates-formes légales que les internautes se détourneront des réseaux peer-to-peer et des services d’hébergement spécialisés. En la matière, les DRM sont donc un cas d’école. Censés protégés contre le piratage, les verrous numériques ont surtout été un frein aux affaires et une plaie pour les utilisateurs.

L’innovation bridée par le droit d’auteur

L’étude des deux professeurs n’est pas sans rappeler la vision de Google en matière de droit d’auteur. Lors d’un entretien accordé au Monde en 2009, le directeur juridique de la firme avait estimé que l’innovation est bridée en France à cause d’un déséquilibre entre la protection du droit d’auteur, qui demeure nécessaire, et les droits du public. Le moteur de recherche avait plaidé pour l’émergence d’un « fair use » en France.

Pour Google, l’absence de souplesse dans les législations européennes a empêché l’émergence de véritables champions dans le domaine du net. Google, Facebook, Yahoo, YouTube, eBay, Amazon… tous sont Américains. L’arrivée d’un fair use aurait le mérite de débrider l’innovation et d’alléger les risques juridiques pesant sur de nombreuses sociétés. Une position réaffirmée un an plus tard par le co-fondateur de Google, Larry Page.

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