L’entreprise Cloudflare, qui fournit des prestations techniques au site pornographique Camschat, lui-même visé par une mesure de blocage en France, contestait la procédure en justice. Le tribunal vient de rejeter ce recours. Un verdict important dans le cadre de la lutte contre les sites X qui ne font aucun effort pour correctement vérifier l’âge des internautes.

C’est une décision qui fera date. Ce 15 avril 2025, le tribunal administratif de Paris a rendu un jugement clé concernant le blocage d’un site pornographique, lorsque celui-ci vise à empêcher l’accès des mineurs à ses contenus. Il valide en particulier la légalité du dispositif juridique permettant d’aboutir à ce blocage, en le considérant « proportionné » au regard des objectifs poursuivis, malgré les atteintes qu’il occasionne.

Dans cette affaire, il s’agissait d’un recours déposé par l’entreprise américaine Cloudflare, qui commercialise des services pour les sites — notamment des solutions pour charger plus rapidement les pages, mais aussi des protections pour empêcher ou atténuer des attaques, comme celles par déni de service distribué (DDOS). Il possède ainsi un vaste réseau de diffusion de contenu (CDN).

Il s’avère que Cloudflare a pour client le site pornographique Camschat, qui est l’objet de la procédure de blocage initiée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui est le fruit de la fusion entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) depuis 2022. Il est décrit depuis comme le gendarme du numérique.

Une première pour un tel recours

En l’espèce, Cloudflare demandait ainsi au tribunal d’annuler la décision de l’Arcom lui ordonnant de bloquer l’adresse de Camschat, sous 48 heures et pour une durée de 2 ans, et redirige les internautes tentant de s’y rendre vers une page explicative de l’Arcom. Le géant du net contestait aussi la légalité de la procédure et soulevait également une série de questions juridiques. Mais son recours a finalement été rejeté.

cloudflare
Cloudflare a challengé le socle juridique sur lequel l’Arcom se fonde pour agir contre Camschat. // Source : Davide D’Amico

Le tribunal administratif de Paris reconnait que c’est la première fois qu’elle examinait un tel recours. De fait, cela a amené la juridiction parisienne « à se prononcer sur plusieurs questions de principe », en particulier sur le socle juridique sur lequel l’action de l’Arcom s’est fondée. L’autorité publique a en effet de nouvelles prérogatives, depuis la loi du 21 mai 2024, qui « vise à sécuriser et réguler l’espace numérique » (loi SREN).

Ce texte facilite notamment le blocage des sites pornographiques, via une autorité administrative indépendante, afin de s’épargner un passage plus classique devant le juge judiciaire. Un contournement qui a pour objectif à la fois d’accélérer et d’industrialiser les procédures contre les sites X qui ne font pas d’effort sur la vérification de l’âge des internautes. L’intervention du juge judiciaire, s’il a lieu, survient désormais plus tard.

Un mécanisme proportionné, pour le bien des mineurs

Ici, le juge administratif a notamment fait observer « que pour protéger les mineurs contre les contenus [pornographiques], les États membres de l’UE peuvent édicter des mesures complémentaires à celles du règlement européen ». En somme, la loi SREN peut à ce titre est tout à fait compatible avec le règlement européen sur les services numériques (DSA), qui prime d’ordinaire sur les textes nationaux.

Le jugement a aussi dû adresser la question de la portée territoriale de l’injonction de l’Arcom, dans la mesure où le site pornographique a son siège établi hors de France. Il a surtout évalué l’équilibre entre les objectifs qui sont poursuivis à travers la loi SREN et l’atteinte aux libertés d’entreprise (pour Cloudflare) et d’expression (pour Camschat). Conclusion du tribunal ? Le mécanisme imaginé ici est « proportionné ».

« La loi poursuit l’objectif légitime d’empêcher l’accès des mineurs à des contenus à caractère pornographique en ligne et qu’aucun dispositif moins attentatoire à l’exercice des droits ne permet d’atteindre cet objectif », est-il résumé dans le communiqué. Sans parler des garde-fous prévus pour ne pas déclencher des sanctions automatiques contre Cloudflare

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