L’apparition de publicités sexistes dans le milieu de la tech grand public est un grand classique. Aucun secteur n’est épargné, mais les marques tech s’inscrivent dans une vision de progrès qui devrait entraîner un abandon des stéréotypes. Alors que la société est heureusement plus consciente de ces problèmes, la communication a-t-elle évolué ?

Nous sommes en 2016 lorsque LG France, par son compte Twitter, remet les femmes et leurs filles à l’apprentissage de l’aspirateur et laisse les hommes de la maison regarder des courses de voiture paisiblement installés dans un canap’. Remarquez : dans ces photos commerciales, tout le monde a l’air d’être heureux et tout semble bien en ordre, à sa place : « dur de couper le cordon ? Faites un atelier aspirateur en famille », nous dit LG.

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Insee, 2010

Heureusement, cela ne nous touche pas : nous sommes en 2016 et nous avons la chance de vivre dans une société sans sexisme, sans viol, sans assignation des rôles à la maison comme au travail et dans laquelle les femmes ne sont pas cantonnées à subir une inégalité dans la répartition des tâches ménagères, qui, de toutes façons est compensée par une égalité parfaite des salaires avec les hommes pour les mêmes responsabilités.

Malheureusement, le paragraphe précédent est complètement faux.

Supprime !

Lorsqu’une publicité — qu’on imagine pas volontairement malveillante — représente une situation comme naturelle, et l’encourage alors qu’il s’agit d’une perpétuation d’une inégalité fondamentale, il y a un gros problème. Un manque d’attention et d’intelligence qui ne semble pas heurter les représentants de LG France lorsqu’ils tweetent une telle campagne, cherchant peut-être à profiter du bad buzz en oubliant les conséquences réelles de cette démarche. Heureusement, les internautes ont été nombreux à dénoncer le problème d’une telle campagne et le tweet a finalement été supprimé.

Mais tout de même, l’interrogation reste : comment, au moment où l’image est choisie et que la légende qui l’accompagne est écrite, personne ne s’interroge sur le bien fondé d’une telle provocation ? Comment se peut-il que personne ne lève un drapeau rouge avec un gros « cliché sexiste » dessus alors que ce genre de campagne a besoin de nombreuses validations avant publication ?

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Nintendo, en toute élégance

En réalité, on imagine deux scénarios possibles : dans le premier, tombant d’un nuage de naïveté, les représentants LG vivent dans un monde parallèle où l’égalité est acquise, personne ne voit donc le problème que pose l’image et elle est tweetée sans sourciller.

Ou le second, plus probable : les responsables de la campagne trouvent justement naturel qu’une femme passe l’aspirateur, et qu’elle apprenne gentiment à sa fille à être une bonne épouse, avant de lui constituer un trousseau pour son mariage. La seconde option étant probablement la plus vraisemblable, on ne peut que conseiller à LG une bonne formation sur l’égalité des sexes en France.

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Sony et sa Playstation Vita, qui provoque des sensations, comme le corps objet d’une femme.

Mais le sexisme ordinaire ne serait pas un sujet s’il était une simple erreur de parcours et si le petit monde de la technologie, en France et ailleurs dans le monde, n’était pas marqué par des dizaines d’années d’imagerie sexiste et de comportements patriarcaux qui ont longtemps semblé n’inquiéter qu’une minorité. Ainsi, à travers les époques, on peut découvrir comment l’imaginaire sexiste qui est attribuée aux geeks a été corroborée et encouragée par les commerciaux qui sont censés s’adresser à ces utilisateurs — au lieu de le combattre.

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Chez Samsung, le modèle unisexe travaille, le modèle féminin fait les soldes

Il ne faut d’ailleurs pas exclure la presse de toute responsabilité. Pourquoi les showcases des marques dans lesquels des jeunes femmes dénudées et autres babes servent de présentoirs humains, ont-ils mis autant de temps à provoquer dans la presse tech des réactions outrées ?

Nous sommes en 2013 quand à l’événement de lancement du Samsung Galaxy S4 la firme coréenne a l’élégance d’organiser un petit show à destination du monde masculin de la tech, où se trémoussent sur scène des jeunes filles peu habillées, pour, rappelons-le, vendre un smartphone. C’est pendant ce CES que PC Mag publie d’ailleurs sa scabreuse galerie des babes préférées de la rédaction du salon mondial de la tech mondial. Et le magazine est loin d’être un cas isolé.

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Les photos de PC Mag

Aujourd’hui, la situation change progressivement. Le CES qui se tient (cynisme…) à Las Vegas se vide de ses babes, et un salon comme le MWC européen où nous nous rendons très souvent tente de se débarrasser de toute instrumentalisation du corps. Côté jeux vidéo, les scandales répétés à l’E3 commencent à faire changer les mentalités. Et la campagne de publicité de OnePlus en 2014 qui offrait aux femmes un t-shirt, si leur photo recevaient de nombreux likes, avait largement été dénoncée par la presse. Le Computex de Taïwan reste, lui, un exemple parfait de sexisme à tous les étages.
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Malgré ces maigres progrès, et LG nous l’a démontré hier, le sexisme et l’imaginaire patriarcal restent une sorte de vieux démon de la tech et du jeu vidéo — le travail de grande qualité fourni en 2013 par Mar_lard, qui a été la première à exposer ces faits, reste aujourd’hui d’actualité. Un sujet sensible que la démocratisation du smartphone et des nouvelles technologies améliore peu à peu, les marques étant forcées par la nécessité de gagner en respectabilité auprès d’un public large et moins laxiste sur ces questions, que ne pouvaient l’être leurs early adopters, qui ont aujourd’hui aussi, heureusement, beaucoup évolué.

Et pourtant, le faux pas est encore bien vite arrivé, beaucoup de constructeurs continuant de jouer sur des codes dépassés. Avec des appareils forcément roses et fleuris pour les femmes et des journalistes qui parlent encore de smartphones féminins sans aucune raison valable (car oui, il est possible de traiter de féminité sans être sexiste), la bataille n’est pas gagnée. L’effort est donc toujours nécessaire et il faudra encore veiller sur les représentations qui nous sont offertes par des marques qui veulent se positionner dans le futur mais communiquent depuis le passé.

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