Un câble diplomatique rédigé par l’ambassade américaine de Tunis montre que même le gouvernement américain était inquiet du contenu secret d’un accord signé entre Microsoft et le régime de Ben Ali en 2006. L’ambassade estimait que Microsoft risquait d’accroître « la capacité du gouvernement tunisien en matière de surveillance de ses propres citoyens ».

Wikileaks a publié la semaine dernière l’intégralité des câbles diplomatiques américains en sa possession, révélant des documents jusqu’alors inconnus. Parmi eux figure un câble classé « confidentiel » émanant de l’ambassade américaine à Tunis, daté du 22 septembre 2006, dont la traduction est publiée par ToBeGoodAgain. Il révèle que même l’administration de George Bush était inquiète du contenu d’un accord passé entre Microsoft et la Tunisie de l’ancien président Ben Ali.

L’accord, signé en juillet 2006 lors du Microsoft Government Leaders Forum, décrit « une coopération avec le gouvernement tunisien en matière de e-gouvernance, cyber-sécurité, droits de propriété intellectuelle et développement des capacités pour les programmes de technologies de l’information en Tunisie« . En échange de l’équipement de ses ordinateurs et réseaux, le gouvernement de Ben Ali « a accepté d’acheter douze mille licences pour la mise à jour des ordinateurs du gouvernement avec des logiciels Microsoft sous licence, plutôt que les versions piratées couramment utilisées jusqu’ici« , rapporte l’ambassade.

Pour Microsoft, l’accord était stratégique et très difficile à négocier. « Le fait que le gouvernement se soit appuyé sur les logiciels open source limitait drastiquement les affaires en Tunisie et empêchait Microsoft de participer aux appels d’offres du Gouvernement Tunisien« , explique le câble diplomatique. La firme de Redmond a donc dû faire à un certain nombre de concessions, jusqu’à accepter de fournir le code source de ses logiciels à l’administration tunisienne, très méfiante à l’égard de l’américain Microsoft. Y compris à l’égard de la directrice générale de Microsoft Tunisie, Salwa Smaoui. « Elle a rapporté que certains ministres du gouvernement tunisien lui avaient demandé à plusieurs reprises pourquoi, en tant que Tunisienne, elle « travaillait pour les Américains », et que des soupçons frôlant souvent l’hostilité posaient sur les négociations« .

Pour obtenir signature, Microsoft a multiplié les courbettes, et a fini par prendre en compte les « réalités des affaires en Tunisie« , notamment à l’égard de la femme de l’ancien dictateur. L’ambassade de Tunis écrit ainsi que « l’affiliation du programme à l’association caritative de Leila Ben Ali est révélatrice des manœuvres d’arrière-boutique parfois nécessaires pour finaliser un accord« . Mais les Etats-Unis semblent surtout craindre que d’autres concessions aient été faites, encore moins avouables.

A la date du câble diplomatique, et malgré des demandes répétées, le gouvernement américain n’avait en effet toujours pas réussi à obtenir une copie de l’accord, ce qui selon l’ambassade démontre que le gouvernement de Ben Ali « fait prévaloir le secret à la transparence« .

« En théorie, augmenter la capacité du gouvernement à appliquer la loi à travers la formation en technologies de l’information est positif, mais étant donné la lourde interférence du gouvernement tunisien en matière d’Internet, il est à se demander si cela ne va pas accroître la capacité du gouvernement tunisien en matière de surveillance de ses propres citoyens« , concluait l’ambassade. Au début des révoltes, le gouvernement de Ben Ali avait fait arrêter des blogueurs, et surveillé l’utilisation de Facebook, dont des pages étaient bloquées par l’outil de censure du gouvernement. Depuis, le filtrage a été suspendu, avant de faire son retour à l’égard des contenus pornographiques.

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