Le tableau noir et les livres scolaires en papier sont-ils des supports moins efficaces que l’ordinateur et ses logiciels interactifs pour enseigner dans les écoles ? Alors que l’e-learning prend une place plus importante à chaque rentrée scolaire, une enquête du New York Times pose question sur l’intérêt fondamental de l’informatisation des écoles.

En refusant de proroger son plan « Ecoles numériques rurales », le gouvernement a-t-il fait un geste positif pour la qualité de l’éducation des jeunes Français ? D’instinct, nous pensons comme beaucoup d’observateurs que l’informatisation des écoles est un atout pour la qualité de l’enseignement. Nous pensons que les enfants apprennent plus rapidement et plus durablement avec un ordinateur qui leur pose des questions adaptées de façon ludique, qu’avec un professeur qui récite un cours devant une trentaine d’élèves aux niveaux différents. Et pourtant, le New York Times vient de publier un très long article qui jette le doute sur l’intérêt de l’e-éducation à l’école.

Le journal américain a en effet constaté un paradoxe étonnant qui a déclenché son enquête. Le district écolier de Kyrene, en Arizona, a lancé en 2006 un programme d’une ampleur inédite d’utilisation des technologies de l’information, depuis la maternelle jusqu’au collège. Les enfants utilisent des jeux interactifs pour apprendre à compter (du type « tirez sur le vaisseau dont le numéro est égal à 5+3 ») ou à écrire (« mettez les lettres dans le bon ordre »), tandis que les plus grands apprennent par exemple à écrire un blog sur les sujets de leurs exposés. Et pourtant, malgré les 33 millions de dollars investis pour acheter ordinateurs portables, tableaux blanc interactifs, projecteurs et autres équipements réseaux, les notes obtenues depuis 2005 aux tests de lecture et de mathématique n’ont pas progressé dans ces écoles, alors que le niveau national a augmenté sur la même période.

Cette stagnation est à relativiser, puisque les élèves de Kyrène avaient déjà de meilleurs résultats que la moyenne nationale. Mais elle pose tout de même question.

Le New York Times explique que la décision d’équiper massivement les salles de classe en outils éducatifs numériques avait été prise à l’échelon national en 1997, alors qu’aucune preuve n’avait été apportée sur l’efficacité de l’e-learning. Le comité d’experts mis en place par Bill Clinton, composé notamment de l’ancien patron de Hewlett-Packard, avait alors demandé à l’Etat de ne pas attendre les résultats des enquêtes avant d’investir. Kyrene n’a fait que pousser plus loin l’initiative, en croyant fermement que les résultats allaient suivre, ou en le faisant croire.

Car la décision pourrait avoir été avant tout économique. Les crédits votés pour l’équipement numérique ont grévé ceux accordés aux moyens humains. Le nombre d’élèves par classe a augmenté, et les salaires des enseignants ont été gelés depuis 2008. Par ailleurs, le programme sert de publicité pour le district scolaire. « Kyrene, qui sert 18 000 élèves de la maternelle à la 4ème, principalement des villes de Tempe, Phoenix et Chandler, utilise les classes centrées sur l’informatique comme un moyen d’attirer les enfants de toute la région, pour consolider ses inscriptions alors que la population étudiante locale diminue. Plus d’étudiants implique plus de subventions de l’Etat« , résume le New York Times.

De quoi relire avec intérêt cet article du Figaro, publié en 2009, qui dénonçait le « vieux fantasme » de l’introduction de l’ordinateur à l’école, décrit comme un prolongement de l’équipement en téléviseurs voulu par Malraux dans les années 1960 :

Au-delà du simple équipement des écoles en écrans, ou du passage, pour les élèves du primaire et du secondaire, du B2i, le « brevet informatique et Internet », le rêve de certains politiques est bien de transformer la pédagogie. Casser le supposé « rapport frontal » entre professeurs et élèves, rendre l’élève « acteur de sa formation », et le professeur simple « metteur en scène » des savoirs : autant de fantasmes nourris par les adeptes de l’ordinateur à l’école. Reste bien sûr à démontrer que ces dispositifs améliorent réellement le niveau des élèves. Ce qui n’est pour l’heure pas le cas.

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