La chaîne qatarie Al Jazeera a gagné en début d’année ses lettres de noblesse avec sa couverture intense des soulèvements en Egypte et en Tunisie, qui lui a permis de devenir une référence sur Internet et auprès des autres chaînes d’information à travers le monde. Al Jazeera a démontré un certain avant-gardisme en publiant des reportages sous licence libre, ou en étant très active sur différents réseaux sociaux, au point de rattraper la notoriété de CNN.com :
Mais la chaîne a été longtemps diabolisée, au point qu’elle avait dû recourir à YouTube pour enfin être vue aux Etats-Unis. Le gouvernement américain avait choisi de l’interdire d’antenne, en lui reprochant sa couverture des guerres d’Afghanistan et d’Irak. Le guerre se joue sur tous les fronts, y compris médiatiques.
Depuis, la situation s’est un peu détendue, mais visiblement aussi grâce à la bonne volonté d’Al Jazeera de censurer ses reportages dans un sens qui plaise davantage aux Etats-Unis. En tout cas sur son site Web. C’est en effet ce que démontre un câble diplomatique révélé par Wikileaks, daté de novembre 2010, qui révèle que le directeur général d’Al Jazeera, Wadah Khanfar, avait eu rendez-vous avec des officiels américains (PAO) et qu’il avait accepté de modifier un reportage photo sur la bataille sanglante de Tal Afar, en Iraq :
Le site s’ouvre sur une image de feuilles de papier sanglante criblé de balles. Les téléspectateurs doivent cliquer sur les impacts de balle pour accéder à un témoignage de dix présumés « témoins oculaires » qui décrivent les opérations militaires récentes à Tal Afar.
Khanfar a indiqué que, conformément à une précédente promesse [à la diplomatie américaine], il avait jeté un oeil sur la publication et avait enlevé deux images (deux enfants blessés dans des lits d’hôpital, et une femme avec des blessures au visage graves). PAO a souligné que le témoignage d’un « docteur » dans l’article laissait entendre que du gaz poison avait été utilisé sur des résidents de Tal Afar, et que l’apparence du reportage, en particulier les icônes sanglantes d’impacts de balles, apparaissait comme incendiaire et journalistiquement douteuse. Khanfar a semblé réprimé un soupir, mais a déclaré qu’il ferait retirer le reportage. « Pas tout de suite, parce que ça ferait parler, mais dans deux ou trois jours », a-t-il dit.
Il a indiqué qu’il avait demandé à l’équipe du site qu’à l’avenir, lorsqu’ils voudront ajouter un élément à la section « Reportage Spécial » du site web, ils devront envoyer un brouillon de l’idée à son bureau.
La diplomatie américaine semble ainsi avoir obtenu que le directeur d’Al Jazeera surveille personnellement tout ce que le site web de la chaîne peut diffuser sur les guerres que livrent les Américains au Moyen-Orient, et censure tout ce qui pourrait rappeler un peu trop crument la dure réalité de la guerre.
Troublant.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.