Le Lab Hadopi chargé des questions de propriété intellectuelle a livré le premier compte-rendu de son travail de réflexion sur l’encadrement du streaming. Il exclue déjà de sanctionner l’internaute qui regarde un contenu diffusé illégalement, et privilégie d’accroître la responsabilité des plateformes d’hébergement pour les contraindre à filtrer et bloquer les contenus piratés.

En lançant ses Labs Hadopi, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) voulait s’offrir une autre image que celle du distributeur de claques, et prenait le risque d’un dispositif innovant pour alimenter ses réflexions de fond. Mais le premier compte-rendu publié sur les travaux d’encadrement du streaming montre les limites évidentes d’une telle auberge espagnole, où il est plus facile de poser des questions que d’apporter des réponses.

Au mois de juin dernier, le Lab Propriété Intellectuelle a lancé son chantier de réflexion sur l’illégalité du streaming, qui met en doute l’affirmation contenue dans les avertissements de l’Hadopi selon laquelle « les comportements volontaires de consultation (d’œuvres piratées) constituent des délits de contrefaçon sanctionnés par les tribunaux« . Le problème de la riposte graduée est qu’elle se concentre exclusivement sur le P2P, alors que les pratiques des internautes migrent vers les plateformes de streaming. Les Labs souhaitent donc voir dans quelle mesure il est possible de s’attaquer aussi aux pratiques de streaming illégales, avec deux obstacles majeurs en tête :

  1. La difficulté juridique et technique de sanctionner la personne qui regarde un contenu diffusé illégalement ;
  2. La protection juridique dont bénéficient les hébergeurs de contenus piratés, en vertu de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Sur le premier point, le compte-rendu de séance publique publié mercredi par les Labs Hadopi confirme l’étendue des difficultés. D’un point de vue juridique, le seul angle envisagé pour retenir la responsabilité pénale de celui qui regarde une œuvre en streaming est celui de la reproduction provisoire, qui pourtant bénéficie d’une exception légale. Mais c’est surtout d’un point vue pratique et politique que l’idée de sanctionner le spectateur est d’ores et déjà écartée.

« Pour les participants, la répression devrait se concentrer sur l’internaute ayant mis des œuvres à disposition illicitement et non sur l’internaute ayant uniquement consulté une œuvre protégée« , résume le Lab Hadopi. « En outre, une mise en œuvre de la réponse graduée à l’égard des internautes consultant une œuvre protégée en streaming impliquerait une  » saisine  » des hébergeurs aux fins de transmission à l’Hadopi des adresses IP de ces internautes« , ce qui n’est pas jugé opportun.

Il est donc exclu que la riposte graduée s’étende à la consultation des œuvres en streaming, même si par courtoisie politique à l’égard des ayants droit, il reste indiqué en conclusion que « la répression du piratage ne devrait pas être exclusivement axée sur la sanction de l’internaute qui accède à un contenu illicite en streaming« . En fait, elle ne le sera pas du tout.

Etendre la responsabilité de l’hébergeur ? Pas simple.

« De nombreux participants se sont accordés pour accroître la responsabilité des plateformes« , rapporte le compte-rendu (remarquons qu’en conclusion, il est dit que « les participants » se sont accordés, et non plus « des participants »). Mais le Lab ne dit pas comment faire. Tout juste fait-il référence, de loin, au projet avorté de création d’un statut d’éditeur de service en ligne, qui aurait obligé les hébergeurs concernés à surveiller ce qu’ils hébergent, et à bloquer les contenus illégaux.

Il est en revanche envisagé d’imiter la proposition américaine du Protect IP Act (PIPA), qui « prévoit que le ministère de la justice et les ayants droit peuvent demander au juge une ordonnance aux fins de contraindre les réseaux publicitaires (régies publicitaires, annonceurs, etc.) et intermédiaires financiers (sociétés de cartes de crédit et de paiement tels American Express, PayPal, etc.) à cesser tout commerce avec un site  » dédié au piratage « « . Reste là aussi un problème majeur : comment déterminer si un site est dédié au piratage, alors que la plupart servent à la fois à héberger des contenus légaux et contrefaits ?

Enfin, tous s’accordent pour dire que c’est l’internaute qui met à disposition l’œuvre piratée sur la plateforme d’hébergement qui devrait être sanctionné. Mais il n’y a là rien de nouveau. C’est déjà possible, à la fois techniquement et juridiquement, mais c’est souvent beaucoup trop lourd pour être mis en œuvre, et inefficace.

Encadrer l’offre légale plutôt que l’offre illégale ?

Pour le moment, le Lab Propriété Intellectuelle de l’Hadopi soulève donc beaucoup plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Il évoque, en revanche, la nécessité de fluidifier l’offre légale pour assurer une concurrence légale de qualité aux offres illicites. « De nombreux participants souhaitent le développement de nouveaux outils de gestion collective pour favoriser l’essor de l’offre légale (bases de données, licence légale)« , indique le document en conclusion. Il consacre même un passage à la licence globale, mais là encore pour poser de nombreuses questions laissées en suspens :

« L’instauration de la licence globale ne risque-t-elle pas d’anéantir le marché naissant de l’offre légale ? Ce marché a-t-il déjà fait la preuve de son échec ? Quid des modalités de cette éventuelle licence globale ? La licence globale signifie-t-elle la  » mort du droit d’auteur  » ou, au contraire, est-elle à même d’assurer sa pérennité sous une forme nouvelle ?« 

Autant de questions auquel il serait temps de répondre.

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