Pourquoi s’embêter à faire une riposte graduée en trois phases quand il est possible de réduire cette procédure à une seule étape ? Alors que des pays comme la France, le Royaume-Uni ou la Nouvelle-Zélande souhaitent lutter de façon progressive contre le piratage sur Internet, afin de souligner la dimension pédagogique du dispositif, l’Italie semble prendre un tout autre chemin.
Les internautes concernés…
Repéré par Torrentfreak, un document prévoit des évolutions substantielles dans la législation italienne. « L’un des changements les plus inquiétants pour le public est l’obligation pour les FAI de déconnecter les abonnés après avoir reçu un seul signalement d’infraction au droit d’auteur« . La véracité de la notification ne serait pas vérifiée et les recours de l’internaute seraient limités.
Par ailleurs, les modifications législatives autorisent des « parties intéressées » à procéder à des signalements et à déposer des plaintes, même si elles ne sont pas les détentrices des droits des contenus en question. Pour éviter que l’internaute suspendu ne se réabonne chez un concurrent, un liste noire commune devra être tenue par tous les FAI afin qu’aucun Italien ne puisse échapper à la sanction.
Le dispositif est en tout cas nettement différent de celui-ci envisagé aux Etats-Unis. Les Américains, qui sont pourtant les champions de la lutte contre le piratage en ligne, ont produit une riposte graduée composée de six étapes. La dernière ne prévoit même pas la suspension de l’accès à Internet, mais des mesures comme le bridage du débit ou une éducation au droit d’auteur.
…ainsi que les FAI et les services
Les internautes italiens ne sont pas les seuls concernés par ce texte. Des efforts nouveaux sont demandés aux fournisseurs d’accès à Internet ainsi qu’aux sociétés proposant des services en ligne. L’objectif est simple : limiter la diffusion de contenus violant le droit d’auteur, quitte à procéder à des blocages ciblés. Le manque de coopération des FAI et des entreprises pourrait être sanctionnée en justice, via des poursuites civiles et pénales.
Torrentfreak souligne à cette occasion que cette responsabilité accrue des acteurs du net va poser des problèmes considérables. Des sociétés comme Google et eBay, si elles participent déjà à la lutte contre le piratage, n’ont pas les moyens de vérifier en amont si leurs utilisateurs disposent bien des droits des produits vendus ou des fichiers diffusés en ligne.
Une telle disposition pourrait placer l’Italie en porte-à-faux par rapport à certaines directives européennes, comme celle sur le commerce électronique. La députée européenne des Pays-Bas Marietje Schaake s’inquiète de la dérive apparente de l’Italie et a demandé à la Commission européenne si le pays pouvait aller aussi loin dans la répression du téléchargement illicite.
Proposer le pire pour faire passer le vrai texte ?
Les nouvelles mesures contre le piratage listées dans le document semblent tellement invraisemblables que c’est à se demander s’il ne s’agit pas d’une bête tactique politique pour faire valider un autre texte, beaucoup moins sévère, mais qui était celui voulu à l’origine. C’est une tactique très pratique pour mesurer la réaction publique, ce qui permet ensuite de faire voter le document de base beaucoup plus facilement.
Reste qu’en matière de lutte contre le piratage, l’Italie n’a pas à rougir de son bilan. Le pays a mené la vie dure aux amateurs de fichiers torrents puisque le pays a ordonné, par le biais de la justice, le blocage de The Pirate Bay et de BT Junkie. Si l’Italie a marqué des points symboliques, dans les faits cela n’a pas empêché les internautes de migrer vers d’autres sites web ou de passer au téléchargement direct ou aux réseaux virtuels privés (VPN).
Rappelons qu’un rapport des Nations Unies sur la liberté d’expression et Internet a demandé aux Etats de renoncer aux lois qui permettent de suspendre l’accès à Internet en cas de violation des droits d’auteur, et de s’abstenir d’en voter de nouvelles. Le rapport onusien, qui n’a pas été soutenu par la France, ne l’a pas non plus été par l’Italie. Faut-il y voir un lien ?
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