Robert Thollot, le professeur de lycée averti à plusieurs reprises par la Haute Autorité pour n’avoir pas suffisamment bien sécurisé son accès à internet,sera convoqué le 12 octobre à Saint-Etienne. L’homme conteste avoir fait preuve de « négligence caractérisée ».

Ca n’était que partie remise. Convoqué une première fois au mois de septembre, le professeur de sciences économiques et sociales Robert Thollot devra bien se rendre devant des agents de l’Hadopi pour s’expliquer et défendre son cas. D’abord reportée pour obtenir un complément d’informations de la part du FAI, son audition a été reprogrammée au 12 octobre prochain, indique ce lundi le journal Le Monde.

L’homme est accusé de ne pas avoir fait preuve de diligence dans la sécurisation de son accès à internet, et de s’être ainsi rendu coupable de négligence caractérisée. Son accès a été utilisé pour partager sur des réseaux P2P des chansons de David Guetta et Rihanna, et le film Iron Man 2, et il est donc présumé qu’il n’a pas sécurisé son accès à internet avec suffisamment de prudence.

Il sera entendu le 12 octobre, à Saint-Etienne. En attendant d’être éventuellement autorisés un jour à procéder à des auditions par webcams interposées, les agents de l’Hadopi se déplaceront en province pour réaliser des auditions au plus proche de l’abonné, dans un lieu neutre.

Selon Le Monde, l’homme de 54 ans aurait été averti non pas pour son accès à internet traditionnel, qu’il croyait sécurisé, mais pour son accès FreeWifi proposé en complément par Free. Celui-ci permet, en saisissant des identifiants spécifiques, de se connecter en utilisant n’importe quelle ligne Free. C’est alors une adresse IP associée à cet identifiant spécifique qui est utilisée, et non celle de la ligne ADSL utilisée. D’où probablement le complément d’informations demandé par l’Hadopi.

Interrogé par le quotidien, Free rappelle que l’identifiant FreeWifi ne doit pas être partagé, et regrette que M. Tholot « n’ait nullement procédé à la suspension de son accès FreeWifi ou qu’il ne nous ait nullement informés de ses doutes, pour que nous puissions procéder à la remise à zéro des paramètres en question, comme le commande pourtant le simple bon sens en matière d’identifiants, qu’ils soient bancaires ou Internet« .

La négligence caractérisée, « une infraction complexe et originale »

Dans son bilan d’activité 2010, l’Hadopi revient sur la grande complexité de l’infraction de négligence caractérisée, qu’elle avait déjà jugée d’une « étonnante subtilité » lors de la publication du décret (les mises en gras sont de nous) :

La constitution de l’infraction suppose qu’en outre 2 conditions soient réunies :

  • l’abonné a reçu, par mail doublé d’une lettre remise contre signature, une deuxième recommandation de la part de la Commission de protection des droits ;
  • son accès à Internet a été utilisé à nouveau à des fins de contrefaçon, dans l’année suivant la présentation de cette recommandation.

Le décret du 25 juin 2010 a créé une infraction complexe et originale, tant par la définition de l’acte matériel de cette nouvelle contravention que par celle de l’élément intentionnel de la négligence caractérisée.

La contravention de négligence caractérisée réprime une faute d’omission, le manquement à l’obligation de sécuriser un accès à Internet, lorsque celle-ci a entraîné un résultat précis, l’utilisation de cet accès à des fins de contrefaçon. Il s’agit d’une infraction de Commission
par omission. Liée à un résultat précis, l’infraction de négligence caractérisée n’est donc pas une infraction de pure omission, de type formel, qui sanctionnerait la simple abstention de sécuriser son accès à Internet

(…)

Les contraventions sont en principe les fautes pénales les moins caractérisées, elles ne supposent ni intention de violer la loi, ni même une imprudence ou une négligence. On parle d’infractions matérielles, dans la mesure où la simple constatation de l’élément matériel de l’infraction suffit à la caractériser.

La négligence caractérisée est une contravention particulière, qui suppose aussi l’existence d’un élément intentionnel. Celui-ci ne s’analyse pas comme!une faute d’imprudence ou de négligence ordinaire. Il se rapproche d’avantage d’une faute manifestement délibérée, comme en matière délictuelle, qui suppose la volonté d’enfreindre une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou un règlement.

Le problème, en creux, est que l’Hadopi peut prouver qu’il y a eu des contrefaçons. Eventuellement, elle peut prouver par ces contrefaçons qu’il y a eu un manque dans la sécurisation. Mais elle ne peut absolument pas prouver qu’il y a eu une volonté délibérée de mal sécuriser. Tout le danger de la convocation est donc d’apporter des éléments « auto-incriminants ». Si à l’issue de la convocation les agents de l’Hadopi jugent que les explications de M. Thollot ne sont pas convaincantes, la Commission de Protection des Droits (CPD) de l’Hadopi transmettra le dossier au parquet, qui décidera des éventuelles poursuites.

Rappelons que l’usine à gaz constituée par cette contravention unique en son genre est due exclusivement à la volonté de contourner le Conseil constitutionnel, qui avait censuré une partie de la loi DADVSI au motif qu’il n’est pas possible de sanctionner la contrefaçon sur Internet différemment des autres types de contrefaçons. Ca n’est donc plus le piratage qui est visé par la riposte graduée, mais le fait de ne pas sécuriser son accès à Internet, ce qui devient beaucoup plus complexe.

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