Le Conseil constitutionnel doit se prononcer à la fin octobre sur une question prioritaire de constitutionnalité concernant une mesure portant sur la « surveillance hertzienne ». En fond se joue l’écoute des communications transmises sans fil.

La loi Renseignement refait parler d’elle. Approuvée dans sa quasi-intégralité par le Conseil constitutionnel au cours de l’été 2015, la très controversée législation portée par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve pourrait bien finalement connaître une censure partielle des « sages » de la rue de Montpensier. En cause ? Un article remontant à 1991 qui offre un boulevard aux agences de renseignement.

Rappel des faits. Ce printemps, une enquête du Monde sur la surveillance de Thierry Solère par la DGSE interpelle le collectif des « exégètes amateurs », qui rassemble les juristes et bénévoles de l’opérateur French Data Network (FDN), de l’association de la Quadrature du Net et de la fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs (Fédération FDN).

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Les juristes découvrent que l’article en cause (article 20 de la loi de 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques), censé être abrogé depuis 2012, a en fait survécu à travers l’article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure avec une rédaction identique. Que dit-il ? Que tout est autorisé dès lors qu’une communication se fait sans fil.

L’ article dispose que «  les mesures prises par les pouvoirs publics pour assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux dispositions » d’encadrement des services de renseignement. Or, le sans fil c’est tout aussi bien le Wi-Fi, le GPS, le NFC, la téléphonie mobile, le satellite, le Bluetooth…

La défense des intérêts nationaux

Inchangé depuis vingt-cinq ans, seulement renuméroté par la loi Renseignement, l’article est susceptible de permettre aux agences de renseignement de passer outre les mesures visant à établir un contrôle et un encadrement de leurs activités du fait d’une rédaction pour le moins large. Il est en effet question de la « défense des intérêts nationaux », ce qui est pour le moins flou.

Il n’en fallait pas davantage pour que les « exégètes amateurs » entament une action par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Car tandis que la loi Renseignement est censée mettre un terme au laisser-faire des services, voilà que l’article open bar, qui aurait dû disparaître, est toujours actif. Une entourloupe législative à laquelle veut mettre fin le collectif.

Représenté par Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, le collectif présentait mardi 11 octobre ses arguments devant le Conseil constitutionnel en soulignant notamment que les affirmations du gouvernement ne sont pas fixées dans la loi. D’après l’exécutif, le texte ne concerne que les transmissions entièrement hertziennes, mais cela ne figure nulle part dans la législation.

De son côté, le gouvernement a cherché à minimiser la portée du texte tout en soulignant son intérêt pour la défense du pays et en mettant en avant sa responsabilité dans l’usage de ce que l’article permet. Mais dans le compte-rendu fait par les « exégètes amateurs », le secrétaire général défendant la position de l’exécutif a eu toutes les difficultés à tenir ses positions face aux remarques des associations

Résultat des courses, le Conseil constitutionnel n’a pas la capacité de changer la loi pour y ajouter des précisions utiles. En revanche, il peut la censurer. Puisque la restriction à la seule fin de la défense nationale n’est pas écrite texto dans la loi, il faut la changer (les promesses ne suffisent pas). En cas de censure des « Sages », le gouvernement prévoit de demander un délai pour lui laisser le temps de faire voter un nouveau texte.

Le verdict du Conseil constitutionnel est attendu le 21 octobre.

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