L’affaire avait éclaté à la fin du mois d’août après que le Wall Street Journal a révélé qu’Amesys, une filiale du groupe français Bull, avait conçu et installé un centre de surveillance du web pour le compte du régime Kadhafi. Le programme, baptisé Eagle (.pdf), avait été commandé par la Libye pour mettre au point un dispositif d’inspection de paquets de données (DPI, Deep Packet Inspection) pour identifier les dissidents libyens et surveiller les échanges sur Internet.
Amesys proposait à la Libye une surveillance profonde « sur les protocoles les plus couramment utilisés : mail (SMTP, POP3, IMAP), les webmails (Hotmail, Yahoo Mail, Gmail…), les discussions sur réseau IP (RTP, SIP, H.323…), les logiciels de discussion instantanée (MSN, Yahoo!, AIM…), les échanges de fichiers P2P et la navigation web« .
Ce jeudi soir, Mediapart publie ce qu’il estime être les preuves de la collaboration d’Amesys dans la surveillance du net libyien, commercialisée par l’intermédiaire du désormais fameux Ziad Takieddine.
« Dans un document conservé par le marchand d’armes, la société Amesys (ex-i2e) a détaillé pour les autorités libyennes, fin 2006, l’étendue de ses capacités d’interception de mail, chat, ou de conversations via le net. Pour prouver son efficacité, Amesys a fait figurer dans son offre technique aux Libyens des traces de tests d’interceptions de mails au sein d’un laboratoire de l’université Pierre et Marie Curie (Paris X), le Lip6-CNRS« , révèle le site d’investigation. « On y découvre des échanges personnels entre profs, chercheurs et thésards, des traces d’échange MSN et des pages d’interrogations Google« .
Mediapart publie également un document (ci-dessous) qui prouverait qu’Amesys a bien mis en place un centre d’écoutes en Libye qui vise « l’espionnage du pays« , ce démentait Bull. Le journal publie aussi un extrait de lettre recommandée envoyée par Amesys à ses anciens salariés, pour les prévenir qu’elle enquête pour « identifier les collaborateurs ou anciens collaborateurs » responsable de la fuite, et qu’ils ont intérêt à se tenir à carreaux.
Toute la question, désormais, est de savoir si l’Etat français a donné son aval à une telle opération commerciale d’espionnage de la population libyenne. Contacté par OWNI, « le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) confirmait la nécessité d’une autorisation CIEEMG pour les produits de guerre électronique, tout en affirmant ne rien savoir de cette affaire« , écrivait Owni à la fin du mois d’août. Par ailleurs, « au début du mois d’août, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a pris 5% de participation dans Amesys, preuve que l’Etat français croit au potentiel économique d’une telle entreprise. Et quelques mois plus tôt, Qosmos, autre leader du secteur (900% de croissance en trois ans), était mis en avant dans le rapport McKinsey sur l’économie numérique, abondamment cité par Nicolas Sarkozy et ses ministres. »
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