Les Labs Hadopi ont publié lundi la première version de leur livre vert sur le filtrage, qui conclut à la nécessité de rejeter toute mesure de blocage et de filtrage sur Internet. Non seulement parce qu’il est inefficace ou trop invastif, mais aussi pour ne pas donner le mauvais exemple aux dictatures.

Quelques jours après l’affaire CopWatch, qui démontre le raisonnement absurde auquel peut aboutir la volonté de filtrage, le Lab Réseaux et Techniques de l’Hadopi a publié lundi son « livre vert sur le filtrage d’internet« , qui présente les différentes techniques de filtrage du net, en expliquant à chaque fois leurs limites (notamment les manières de les contourner), et leurs implications techniques ou sociétales. « Il est actuellement en version 1.0, publié sur la plateforme des labs pour recueillir vos avis et conseils en vue de le faire évoluer avant de le communiquer au législateur, à la justice et aux diverses institutions ayant un rapport direct ou indirect avec le réseau (ARCEP, CSA, CNIL, HADOPI, ARJEL, …)« , précise en introduction Bruno Spiquel (dit « Turblog »), expert associé des Labs Hadopi.

Le livre vert est extrêmement critique sur le blocage des contenus, ce qui ne devrait pas être une surprise lorsque l’on comprend que l’Hadopi a un intérêt vital à rejeter le filtrage.

Le document revient ainsi sur les différentes techniques de filtrage généralement envisagées, dans un langage accessible au grand public. Il élimine tour à tour l’opportunité du blocage sur les noms de domaine (« entraine un surblocage potentiel » et « peut aisément être contourné »), sur les adresses IP (« le sur-blocage est énorme et non estimable au moment où l’ordre de blocage est donné »), sur les URL (« présente tous les problèmes du DPI et peut être facilement contourné »), sur les contenus par DPI (« oblige à un contrôle de l’intégralité du trafic de nature à gravement fragiliser le réseau et impliquent un ralentissement notable de l’innovation »), et sur les ports (« l’un des plus simples mais aussi l’un des moins efficaces »). Il écarte aussi le filtrage hybride, analysé il y a trois ans par la Quadrature du Net (.pdf), qui consiste à réorienter le seul trafic susceptible de devoir être bloqué vers un serveur dédié au filtrage.

Entre les atteintes aux développement du réseau pour les FAI, les risques posés par le DPI pour la vie privée des abonnés, et le fait qu’il pousse chaque à utiliser des méthodes de camouflage, les labs Hadopi voient surtout dans le recours au filtrage par la France un risque démocratique à l’échelle internationale :

Certains Etats ont déjà utilisé et utilisent encore, pour certains, des technologie de filtrage et de blocage, le DPI par exemple, notamment la Syrie ou encore la Lybie afin d’espionner les populations, tenter de contrôler les émeutes, ou encore anticiper les mouvements rebelles. Il serait possible de résumer grossièrement en disant que la technologie de DPI permet non seulement une violation de la vie privée, mais également une répression (parfois indirectement sanglante) des populations qui souhaiteraient faire usage de leurs libertés d’expression, de manifestation, de droits politiques.

Ce type d’actions n’est pas acceptable en France et ce pour deux raisons. La première tient au fait que la France fait figure de Mère Patrie en matière de Droits de l’Homme et de libertés constitutionnellement garanties. La seconde raison est une question de rayonnement de la France sur la scène diplomatique, justement pour son attachement profond aux libertés fondamentales : certains Etats n’ont pas la même vision des réseaux et des libertés fondamentales que la France ou le Royaume-Uni et si certains risquent d’utiliser l’argument de l’exemple français pour procéder à l’installation de technologies de filtrage et de blocage, d’autres vont plutôt prendre le contre-pied pour devenir ce que l’on appelle parfois des paradis numériques.

Le livre vert conclut qu’il faut rejeter le filtrage, y compris pour les sites pédopornographiques. « Filtrer les sites pédopornographiques est idiot puisque cela n’empêchera que les gens qui ne vont jamais les consulter d’y accéder, pendant que les visiteurs habituels de ce genre de contenu continueront à communiquer et échanger leurs contenus ailleurs, voire pire, opteront pour des méthodes de communications chiffrées rendant l’interception impossible et les investigations beaucoup plus difficiles« . Ce que l’on n’avait cessé de répéter au sujet de la loi Loppsi.

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