Malgré l’incohérence totale des explications, le gouvernement de l’Équateur a confirmé mercredi qu’il avait voulu empêcher Julian Assange de publier de nouveaux documents relatifs aux élections américaines, en vertu du principe de « non-intervention » dans les affaires extérieures.

Dans un premier temps, Wikileaks avait annoncé lundi qu’un État avait coupé l’accès à internet de Julian Assange, sans préciser lequel. Quelques heures plus tard, l’organisation avait finalement explicité son accusation en désignant l’Équateur, qui héberge Julian Assage dans son ambassade de Londres depuis 2012. Mercredi, la diplomatie équatorienne a confirmé l’information. Et elle assume qu’il s’agit d’une censure politique.

« Ces dernières semaines, Wikileaks a publié quantités de documents qui ont un impact sur la campagne électorale américaine. Cette décision a été prise exclusivement par cette organisation. Le gouvernement de l’Équateur respecte le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’autres États. Il n’interfère pas avec les processus électoraux extérieurs, ni ne favorise aucun candidat en particulier », explique l’Équateur dans un communiqué.

communique-equateur

Wikileaks, qui publie chaque jour de nombreux e-mails du directeur de campagne d’Hillary Clinton, John Podesta. est régulièrement accusé ces dernières semaines et ces derniers mois de prendre partie pour Donald Trump, et de chercher à détruire la campagne de la candidate Démocrate. Il est aussi accusé de le faire avec l’aide de la Russie, ce que Vladimir Poutine affirme être une « hystérie » de l’administration Obama.

Une explication incohérente à double tranchant

Quoiqu’il en soit, les explications de l’Équateur sont pour le moins étonnantes. Si le « principe de non-intervention » s’applique en effet par tradition aux diplomaties, il ne s’impose pas aux particuliers comme Julian Assange ou aux organisations comme Wikileaks, qui sont libres de prendre position.

Jusqu’à présent l’Équateur avait toujours expliqué qu’il avait accordé l’asile politique à Assange en 2012 pour des motifs personnels liés à la « persécution » dont il serait victime, mais pas pour soutenir Wikileaks et ses publications. Or avec son communiqué du jour, l’Équateur donne désormais l’impression d’avoir jusqu’à présent approuvé voire commandité les publications de Wikileaks, et de chercher à faire taire Assange au moment où ces publications ne sont plus dans l’intérêt du pays. C’est un procédé diplomatique étrange, et risqué. S’il censure Wikileaks maintenant pour protéger l’élection américaine, pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt pour éviter d’autres publications ?

Le communiqué semble surtout destiné à confirmer implicitement la pression du gouvernement américain

Par ailleurs, l’Équateur dit appliquer « son droit souverain à restreindre temporairement l’accès à certains de ses réseaux de communication privés au sein de son ambassade au Royaume-Uni », et affirme que « cette restriction temporaire ne prive pas l’organisation Wikileaks de poursuivre ses activités journalistiques ». Mais alors, pourquoi justifier de censurer Assange sur la base de ce que fait Wikileaks ? L’explication n’a aucun sens.

Le communiqué semble surtout destiné à confirmer implicitement que la mesure a dû être prise uniquement pour céder à la pression du gouvernement américain, sans aucune autre logique. Lundi, Wikileaks avait fait le rapprochement entre la décision de l’ambassade équatorienne, et la publication quelques temps plus tôt de discours d’Hillary Clinton lors de conférences privées organisées par la banque Goldman Sachs.

Le pays confirme toutefois qu’il ne cherchera pas à exclure Assange, qui pourra toujours bénéficier de l’asile tant qu’il fera l’objet de la détention arbitraire condamnée par l’ONU.

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