Le web regorge de choses dont on imaginait pas l’existence la veille. Par exemple, ce matin, nous sommes tombés sur Dulltech, un looper de vidéo-œuvre d’art à 240 dollars. Et puis, coup sur coup, c’était un site haut en couleur de la ville de Nice qui apparaissait dans notre revue de presse, au nom qui sonne comme un tract égaré de ReOpen 911 : veritestade.nice.fr. Quand on l’ouvre, on se trouve nez à nez avec un site au design plutôt moderne, qui reprend à peu près l’esthétique que le gouvernement a pu mettre en place sur certaines pages d’informations au public.
Son but ? Faire du « fact-checking » sur la fameuse émission Cash Investigation et notamment sur le récent reportage Marchés Publics, le Grand Dérapage, qui tournait autour du stade Allianz Riviera. C’est à la fin de ce reportage que Élise Lucet a reçu Christian Estrosi — qui n’est plus maire de Nice, rappelons-le, mais Président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur et premier adjoint au maire. Chaque carte (qui ne se ferme que lorsqu’on clique sur la petite croix, ergonomie mon amour) représente une question qui a été traitée dans Cash Investigation et qui, d’après la Ville de Nice, n’a pas reçu une réponse convaincante.
Le service de communication de la ville s’essaie donc au décodage, une activité qui vient plutôt traditionnellement de la presse et dans une forme qui semble toute adaptée aux usages du web. Pas passée inaperçue, la mise en ligne du site a été accompagnée d’un matraquage d’informations sur Twitter par Christian Estrosi, qui a assorti ses arguments de data-visualisations et de photos pendant la diffusion du reportage.
Cette virulence à l’égard de Cash Investigation serait la suite logique, selon nos confrères du Huffington Post, des débats houleux entre Estrosi et Lucet autour du nouveau stade du Nice. Avec ce site, la ville met en avant ce qu’elle nomme de la « transparence », quand Elise Lucet, les deux enquêteurs Loïc Tanant et Nolwenn Le Fustec — et beaucoup de Niçois — estimaient que la transparence était précisément ce qui avait manqué à la construction de l’Allianz Riviera. D’où les révélations du reportage.
D’un côté, sans considération du fond, on peut trouver la défense de la ville dans cette affaire assez moderne sur la forme, qui, avec des informations qu’elle juge vraies, précise son point de vue. Le droit de réponse est, après tout, un format classique dans la presse — même si un « c’est faux » n’a jamais effacé un fait. D’un autre côté, on ne peut s’empêcher de tiquer quand on voit le vocabulaire employé, qui oppose le mensonge des médias à la vérité d’une entité politique.
C’est, aujourd’hui, précisément le modus operandi conspirationniste de Donald Trump utilisé pour discréditer tout ce que les journalistes américains peuvent avancer sur ses mensonges, ses déclarations, son passé et son présent. Il se résumerait en une formule : « les médias mentent, donc ce qu’ils disent sur moi est nécessairement faux. » Quand on relie ce champ lexical au soutien de Christian Estrosi à Nicolas Sarkozy pour les primaires de la droite, dont les méthodes ont déjà été rapprochées de celles de Trump, une autre chose vient à l’esprit : avec son site, la ville de Nice semble être entrée en campagne.
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